Persuadées que Paolo Renda est mort, probablement le jour de son enlèvement en mai 2010, la femme et la fille du mafioso se sont adressées à la Cour supérieure, jeudi, dans l'espoir d'obtenir un certificat de décès, même si le corps n'a pas été retrouvé. Un tel certificat est normalement produit sept ans après une disparition.

«Il a été mon mari pendant 49 ans. Il était merveilleux. Il a toujours été là pour moi et ma famille. Il ne serait jamais parti comme ça. C'est impossible. Je sais que mon mari est mort, je le sens», a expliqué sa femme, Maria Rizzuto Renda, toute de noir vêtue. La femme de 65 ans, à l'allure très classe, est la soeur de Vito Rizzuto, parrain de la mafia montréalaise, qui est revenu au Québec récemment, après avoir purgé une peine de prison pour meurtres aux États-Unis.

«C'est très difficile pour moi d'être ici», a dit Mme Renda. Elle a expliqué que, le matin du 20 mai 2010, son mari est allé jouer au golf. Ensuite, il s'est rendu à l'entreprise familiale, le complexe funéraire Loreto, sur le boulevard des Grandes-Prairies, à Saint-Léonard. Il l'a appelée vers 12h30, lui a dit qu'il allait acheter quatre steaks et qu'il rentrait à la maison. Mais il n'est pas rentré. Vers 15h, inquiète, elle a appelé l'agent de probation qui s'occupait du dossier de son mari. M. Renda était en libération conditionnelle depuis trois mois, et il était suivi de près. Les policiers l'avaient averti de faire attention à sa sortie de prison, d'autant plus que son neveu, Nick Rizzuto fils, avait été abattu en décembre 2009.

«Pourquoi votre mari a-t-il été emprisonné? a voulu savoir la juge Claudine Roy.

- Crime organisé, gangstérisme, je pense, a répondu Mme Renda. Il a été en prison deux ans.»

La voiture

Quoi qu'il en soit, le jour de la disparition, l'agent de probation a dit à Mme Renda d'appeler la police immédiatement, ce qu'elle a fait. Son gendre a refait le trajet à partir du Loreto pour tenter de trouver M. Renda. Sur le boulevard Gouin, à quelques rues de la maison des Renda, il a trouvé la Lexus grise du disparu. La fenêtre était ouverte. Les steaks se trouvaient sur la banquette.

Plus tard, elle a su que des employés de la voirie avaient vu une Dodge Cobra noire avec un phare sur le toit intercepter une voiture grise sur le boulevard Gouin. Deux individus de forte stature, qui semblaient être de la GRC, ont arrêté le conducteur dans la voiture grise.

Ensuite, silence radio. Il n'y a jamais eu de demande de rançon. M. Renda n'a jamais utilisé ses cartes bancaires, de crédit ou d'assurance maladie depuis.

La mort frappe la famille. Mme Renda a raconté qu'elle se trouvait chez son père, Nick Rizzuto, quand le patriarche a été abattu dans sa cuisine, le 10 novembre 2010. Cet autre meurtre ajoute à sa conviction que le pire est arrivé à son mari.

«Je sais que mon mari est mort, je ne sais pas quoi vous dire d'autre», a conclu Mme Renda.

Tourner la page

«On doit admettre qu'il est mort. Il faut tourner la page. Combien de temps faudra-t-il attendre encore? Mon père ne serait jamais parti comme ça», a à son tour fait valoir Domenica Renda, fille de M. Renda. Avec émotion, la femme de 41 ans a raconté qu'elle avait parlé à son père pour la dernière fois deux jours avant sa disparition, en 2010. Elle assure que ce n'est pas une question d'argent qui les motive, son frère Calogero, sa mère et elle, à vouloir obtenir le certificat de décès. «Il n'avait pas d'assurance vie. Il y a d'autres problèmes, mais cela n'a rien à voir avec l'argent», a-t-elle dit.

Au début de l'audience, Gilbert Dagenais, un enquêteur du Service de police de la Ville de Montréal qui a été affecté au dossier de la disparition de M. Renda en 2010, a été appelé à la barre. Il a refusé d'admettre la mort du disparu. C'est une enquête sur «une disparition qui s'apparente à un enlèvement», a-t-il dit. Il a refusé de répondre à la plupart des questions de Me Mercadante, au motif que cela relevait de l'enquête, laquelle n'est pas terminée.

En plaidoirie, Me Mercadante a signalé que, selon la jurisprudence, un certificat de décès est produit sept ans après une disparition, à moins qu'il y ait des indices clairs de la mort. L'avocat soutient que c'est le cas avec M. Renda. Il croit que la famille est en droit d'obtenir jugement. Il n'y avait pas d'avocat pour représenter le Directeur de l'état civil.

La juge Claudine Roy a mis la cause en délibéré.

M. Renda était considéré comme le numéro 3 de la mafia italienne à Montréal, après Vito Rizzuto et son père, Nick Rizzuto. Il ne reste maintenant plus que Vito Rizzuto, mais son clan est décimé.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud