Un juge de la Cour supérieure du Québec a accepté lundi d'entendre le témoignage d'un important spécialiste dans le cadre du recours collectif majeur intenté contre trois grandes entreprises de tabac canadiennes, un homme accusé par les cigarettiers d'être partial et mal informé.

Robert Proctor est un historien à l'Université Stanford, en Californie, qui a beaucoup parlé de l'industrie du tabac dans ses livres et ses articles. Il est aussi un habitué des litiges impliquant les fabricants de cigarettes puisqu'il a agi comme témoin à quelque 30 procès.

Il a été appelé à témoigner, lundi, pour les plaignants du recours collectif de 27 milliards $ qui oppose environ 1,8 million de Québécois à trois manufacturiers de produits du tabac.

Les défendeurs - Imperial Tobacco Canada, Rothmans, Benson & Hedges et JTI-Macdonald - soutiennent que les conséquences du tabac sur la santé étaient connues depuis des décennies et que l'industrie n'a jamais comploté pour cacher ces dangers à la population.

Le magistrat Brian Riordan a décidé tard lundi qu'il souhaitait entendre M. Proctor. Il a aussi accepté comme preuve une partie du rapport d'une centaine de pages rédigé par l'expert afin de critiquer d'autres rapports réalisés par des historiens payés par l'industrie du tabac pour établir ce que le public québécois savait au sujet des risques associés au tabagisme.

Les avocats des cigarettiers ont passé la journée à questionner la crédibilité de Richard Proctor. Ils ont tenté de convaincre le juge que le professeur avait aussi des raisons personnelles de s'en prendre aux rapports des autres spécialistes.

M. Proctor ne mâche pas ses mots lorsqu'il parle des conclusions qu'il a tirées de ses recherches. Dans ses travaux, il qualifie les fabricants de tabac de menteurs, de cafards et de marchands de cancer, et affirme que la cigarette devrait être interdite.

Il n'a pas non plus hésité à afficher ses couleurs lundi lors d'une audience visant à déterminer s'il pouvait être admis à la barre à titre d'expert.

«Je crois que c'est immoral de la part d'une industrie de tuer des millions de personnes», a déclaré l'auteur et chercheur, qui se décrit comme un défenseur de la santé publique. «Je suis ouvert à d'autres points de vue, mais je ne suis pas neutre par rapport à ce que votre client a fait aux poumons du monde.»

Richard Proctor, qui compte plus de 25 ans d'expérience dans le domaine, a reconnu avoir récolté au moins 1 million $ en témoignant dans des dizaines de procès semblables aux États-Unis. Il n'a jamais été refusé comme témoin.

«Je suis juste, mais je crois que l'industrie du tabac a fait des choses terribles», a-t-il indiqué. «Je ne pense pas qu'elle voulait tuer des gens. Je crois que c'était plus par négligence. Mais je suis content qu'elle soit traduite en justice. C'est une bonne chose.»

Son témoignage est le dernier rebondissement dans le cadre du recours collectif présenté comme le plus important de l'histoire du Canada. Plusieurs témoins ont défilé dans la salle d'audience depuis le début du procès en mars, dont certains dirigeants anciens ou actuels de l'industrie.

Il a fallu 13 ans pour que le procès s'amorce après moult motions, appels et délais. Le présent recours est né de la fusion de deux poursuites déposées en 1998 et consolidées en 2005 par la Cour supérieure du Québec.

M. Proctor doit commencer à témoigner mardi matin.