L'un des acteurs les plus importants du crime organisé québécois depuis des décennies, Joe Di Maulo, 70 ans, a été assassiné hier soir dans le stationnement de sa résidence, rue Du Blainvillier, à Blainville, a confirmé la Sûreté du Québec.

Joe Di Maulo aurait reçu au moins deux projectiles d'arme à feu à la tête alors qu'il rentrait chez lui ou en sortait. C'est sa femme qui l'a découvert et qui a alerté les policiers. Personne dans le voisinage ne semble avoir entendu les coups de feu.

Joe Di Maulo, italien d'origine, est le beau-frère de Raynald Desjardins, autre membre important de la mafia, qui est actuellement détenu avec quatre présumés complices pour le meurtre de l'aspirant parrain Salvatore Montagna à Charlemagne le 24 novembre 2011. Sa fille a épousé l'un des fils de l'ancien chef du clan calabrais, Frank Cotroni.

Fidèle de Cotroni, il est devenu proche des Rizzuto, des Siciliens, lors de leur prise de pouvoir contre les Calabrais.

Dès le début des crimes commis contre le clan Rizzuto, au début de 2010, le nom de Joe Di Maulo circulait comme étant l'un des acteurs de la lutte d'influence qui secouait le crime organisé italien. On le voyait comme un conseiller des nouveaux leaders de la mafia plutôt que comme un parrain éventuel.

Joe Di Maulo est le beau-frère de Raynald Desjardins.

L'enquête de la Sûreté du Québec ne fait que commencer, mais tout semble indiquer que le meurtre de Joe Di Maulo est lié à cette lutte ou à une vengeance. Le crime survient quelques semaines à peine après la libération et le retour au Canada, et peut être même dans la région de Montréal, du parrain déchu, Vito Rizzuto, et la libération de l'un de ses principaux chefs, Rocco Sollecito.

Autrefois, Joe Di Maulo, ex-directeur de cabarets au casier judiciaire vierge (il a été acquitté d'un triple meurtre commis dans son cabaret, le Casa Loma, dans les années 70), était un partenaire de golf et un compagnon de voyage assidu de Vito Rizzuto. Mais leur relation a pu se ternir dans la foulée des luttes de pouvoir qui ont suivi l'arrestation du parrain du clan sicilien et de la plupart de ses lieutenants.

«Il faut faire attention. L'enquête est jeune et il y a plus d'une théorie. Di Maulo était en couple avec la soeur de Raynald Desjardins. Des gens pensent qu'il pourrait ne plus être en aussi bons termes avec Vito Rizzuto. Mais il faut aussi remarquer que Di Maulo ne se promenait pas avec des gardes du corps, il était seul lors du meurtre. Il ne s'attendait donc pas à être visé», indique une source bien au fait des enquêtes sur le crime organisé.

D'ailleurs, une autre source, peu de temps avant le retour au pays de Vito Rizzuto, ne plaçait pas le nom de Di Maulo dans la liste des gens de qui Vito Rizzuto pourrait vouloir se venger. Domenico Arcuri, Tony Magi et le chef de gang Ducarme Joseph sont de ceux-là. Les deux derniers seraient vus par le clan Rizzuto comme ayant un lien avec le meurtre de Nicolo Rizzuto fils.

Quant à Di Maulo, cette source le considérait comme un membre influent de la vieille garde calabraise, mais pas forcément comme l'un des pourfendeurs des Rizzuto.

Le nom de Joe Di Maulo, ainsi que ceux de plusieurs vieux Calabrais, est lié à la mafia italienne de Montréal depuis l'époque des Cotroni, dans les années 70. À l'arrivée au pouvoir des Siciliens, au début des années 80, il s'est rallié à eux. Il a assisté aux funérailles du fils aîné de Vito Rizzuto, Nick, célébrées dans la Petite-Italie en janvier 2010, et celles d'Agostino Cuntrera, à Saint-Léonard en juillet suivant. Joe Di Maulo a travaillé dans le monde des bars et du spectacle. Jusqu'à tout récemment, il possédait un bureau de financement dans le secteur des rues Lacordaire et Jarry, à Saint-Léonard, et y était encore régulièrement vu marchant seul sur le trottoir, sans garde du corps.

En plus de ses liens par alliance avec Raynald Desjardins et les Cotroni, Joe Di Maulo a aussi un frère aîné, Vincenzo Di Maulo, alias Jimmy, au casier judiciaire extrêmement lourd. Lourd au point où la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) a interdit aux deux frères de se voir.

Jimmy Di Maulo a été condamné à la prison à vie en 1970 pour le meurtre de Robert Allard, qui voulait tuer Frank Cotroni. Di Maulo l'avait appris et avait décidé de tuer le conspirateur pour protéger son allié calabrais.

Libéré conditionnellement des années plus tard, il a de nouveau été arrêté en 1994 pour trafic de stupéfiants et blanchiment d'argent, dans l'affaire du faux bureau de change de la GRC.

De nouveau libéré conditionnellement, il lui était interdit de rencontrer des pairs criminels ou près du crime organisé, dont son frère, Joe. Quand, dans les derniers jours de 2006, ce dernier a été hospitalisé pour une opération au dos, Jimmy avait demandé à la CNLC une dérogation à sa condition pour visiter son frère à l'hôpital, ce qui lui avait été refusé: la CNLC craignait que cette rencontre ne vise d'autres objectifs plus sombres.

À l'époque, Joe Di Maulo avait pris contact avec l'un des auteurs de ces lignes pour se plaindre de cette décision. L'homme sans casier judiciaire, au ton des plus courtois, avait affirmé qu'il n'était pas un mafioso mais un simple homme d'affaires, autrefois dans le milieu du spectacle, qui a lancé de nombreux artistes. Il avait d'ailleurs assisté aux funérailles du comédien et humoriste Claude Blanchard.

La fille de Joe Di Maulo avait elle aussi dénoncé cette décision. Son père, avait-elle soutenu, n'était pas impliqué dans le crime organisé et avait une bonne influence dans le milieu italien de Montréal, notamment par ses nombreux dons à des oeuvres de charité.