Avant Frank Zampino, il y a eu Sylvie Berniquez St-Jean. Accusée de fraude, de corruption et d'abus de confiance, l'ex-mairesse de Boisbriand a tenté elle aussi de faire payer par la municipalité les frais d'avocats engagés pour son procès en cour criminelle. La Cour supérieure lui a opposé un non catégorique, en mai dernier.

Selon la Cour, elle n'avait pas démontré qu'elle avait agi dans le cadre de ses fonctions, pour servir la municipalité. «La nature même des accusations portées ici ne laisse pas transparaître l'utilité publique des gestes reprochés, qu'ils soient prouvés ou non», avait estimé le juge Pierre Nollet.

Cette décision a été portée en appel. Mais pour l'instant, elle a renversé l'état du droit, estime Me Jean Hétu, spécialisé en droit municipal. Dans une autre cause, la Cour d'appel avait déjà dit que les municipalités devaient payer «sauf exception». Le juge Nollet a manifestement trouvé l'exception. Et la Ville de Montréal a pris cette décision en considération pour refuser de payer les frais d'avocat de M. Zampino, a confirmé hier Me Gonzalo Nunez, relationniste à la Ville de Montréal. La Ville a aussi cessé, en septembre, de payer les frais juridiques de l'ex-maire d'Outremont et de ses deux coaccusés, a-t-il signalé.

Poursuites abusives

L'article 604.5 de la Loi sur les cités et villes a été conçu pour protéger les élus municipaux et les fonctionnaires des poursuites abusives, résume l'avocat. «En théorie», M. Zampino a raison de demander le remboursement de ses frais juridiques. La présomption d'innocence existe et il pourrait être acquitté. S'il est condamné, la Ville aurait une porte de sortie, car elle pourrait exiger un remboursement, comme en fait foi l'article 604.7.

Peut-on parler de poursuite abusive quand c'est le Procureur général qui poursuit? Mais la question la plus délicate reste celle des frontières du travail de l'élu. Quand l'élu est accusé d'avoir fait modifier un règlement pour favoriser un entrepreneur, est-ce qu'il était dans l'exercice de ses fonctions?

Ce sont souvent des décisions politiques, croit Me Hétu. Par les temps qui courent, défendre un élu accusé d'abus de confiance, «ce n'est pas vendable» à la population. Les villes laissent les tribunaux décider.

Une chose est sûre: si la tendance se maintient et que la commission Charbonneau apporte de l'eau au moulin, la future décision de la Cour d'appel sera vivement attendue.