La police a utilisé un nouveau mot, jeudi, pour décrire l'organisation démantelée lors de la vaste opération Loquace: consortium.

Dans la liste des 128 suspects visés, on trouve en effet des individus liés au gang de l'Ouest, aux Hells Angels, au crime organisé traditionnel québécois, aux Rouges et aux autres gangs de rue.

Le phénomène n'est pas nouveau, mais il plus fréquent. Avant que les acteurs qui ont provoqué la chute du clan Rizzuto s'entredéchirent, en 2011, des sources nous avaient confié que c'était également un consortium formé de différentes cellules de la mafia qui tentait de prendre la place des Siciliens. En juin dernier, les enquêteurs de la division du crime organisé de la police de Montréal ont mené une opération baptisée Fusion, au cours de laquelle ils ont démantelé un réseau d'individus liés au gang de l'Ouest, aux Hells Angels et au clan Rizzuto.

Il y a 15 ou 20 ans, alors que les différents groupes du crime organisé protégeaient jalousement leurs territoires ou leurs activités et que le moindre regard de travers risquait de mettre le feu aux poudres, une telle union aurait été impensable. Mais les temps ont bien changé.

Depuis, il y a eu les opérations Printemps 2001, Colisée et SharQc, qui ont décapité les organisations criminelles les plus importantes. Et chaque fois que la relève de ces organisations tente de combler le vide et de sortir la tête de l'eau, elle est frappée par les policiers, comme ce fut le cas par exemple avec l'opération Carcan, au sud de Montréal, en 2011.

La police ne donne aucun répit au crime organisé, qui doit s'adapter. Faute d'une relève suffisamment nombreuse, constamment harcelés, les groupes criminels, qui veulent continuer de faire de l'argent, doivent s'entraider, se «décloisonner, devenir plus flexibles et mobiles, partager les contacts et les ressources, mais aussi la drogue et les risques», comme l'ont expliqué hier les responsables des principaux corps de police mêlés à l'opération Loquace.

L'union fait la force

Mais si l'union fait la force des criminels dans cette nouvelle réalité, c'est aussi le cas de la police. Oui, les Verts en ont encore parfois contre les Bleus, et les Chapeaux ronds en ont aussi parfois contre les Verts, mais ils sont d'une efficacité redoutable lorsqu'ils décident de faire front commun. Et l'impact est encore plus grand lorsqu'on ajoute les corps de police municipaux, dont les représentants étaient presque plus nombreux que les journalistes lors de la conférence de presse d'hier.

Depuis Carcajou, les corps de police travaillent main dans la main, on le sait. Ce qu'on sait moins, cependant, c'est qu'ils s'échangent presque quotidiennement des renseignements qui leur permettent d'avoir une excellente vue d'ensemble. C'est probablement pour cette raison qu'il a fallu à peine six mois d'enquête pour frapper l'une des plus importantes cellules du crime organisé au pays. À Montréal, le groupe Éclipse, qui a maintes fois enquêté sur certains des individus arrêtés hier, n'est pas étranger à cette situation. Ajoutons à cela des techniques d'enquête traditionnelles ou les pièges classiques dans lesquels les trafiquants, aveuglés par l'appât du gain, finissent toujours par tomber. La police a porté un grand coup; le crime organisé s'en trouvera sûrement affaibli, mais ce sera de courte durée. Comme la nature, le crime organisé a horreur du vide. On peut être certain que déjà, dans l'ombre, des gens travaillent à faire repousser la tête de l'hydre. Le crime organisé s'adaptera... et la police également.

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