Un couple de restaurateurs de la chaîne La Belle Province se dit victime d'«esclavage économique» et poursuit la chaîne pour mauvaise foi, mensonges et comportement abusif.

La poursuite a été rendue publique mardi au palais de justice de Montréal. Elle a été intentée par Jean-Jacques Sénécal et Maryse Francoeur, qui exploitent les restaurants La Belle Province de Brossard et de Saint-Hilaire.

La Belle Province fonctionne comme un réseau de franchises, mais dans les faits, il s'agit d'une chaîne qui loue simplement des locaux et des équipements à de petits exploitants. Essentiellement, quatre groupes de propriétaires distincts utilisent le nom La Belle Province et jouent un rôle semblable à celui de «franchiseur». L'un d'eux est la société à numéro 9045-6740 Québec, propriété de Bruno Ménard, Jimmy Boussias et Nick Boussias (le père de Jimmy). C'est ce groupe qui est visé par la poursuite.

Le couple de restaurateurs reproche aux défendeurs d'avoir abusé de leurs droits et systématiquement manqué à leur parole.

Équipement en mauvais état

Tout a commencé en 2009 lorsque le couple Sénécal-Francoeur s'est lancé en affaires avec La Belle Province. Les deux restaurateurs se sont alors engagés à payer 275 000$ pour les équipements de l'établissement de Brossard (cuisinière, tables, etc.).

Or, lorsqu'ils ont pris possession du local, ils ont constaté qu'il était dans un état lamentable, à tel point que l'exploitant précédent avait été mis à l'amende pour graves manquements à l'hygiène. Ils ont ainsi dû réinvestir plus de 200 000$ pour rendre les équipements utilisables, selon la requête.

Au moment de la transaction, «Ménard a choisi de cacher cette information, interdisant même à Sénécal d'effectuer une inspection des équipements avec une personne de son choix, voire seul, et allant jusqu'à lui interdire de s'adresser aux personnes en place lors de visites sommaires», est-il écrit dans la requête.

20 000$ en argent liquide

Pour le contrat de location de 275 000$, le groupe Boussias-Ménard a exigé un acompte de 50 000$, dont 20 000$ en liquide, devant notaire. Dans les mois qui ont suivi, selon les demandeurs, le «franchiseur» n'a cessé de leur mettre des bâtons dans les roues: il a augmenté massivement les coûts d'approvisionnement, exigé une diminution des prix facturés aux clients et imposé le service des déjeuners, pourtant non rentables. De plus, il a réclamé le paiement de la réfection des immeubles relativement à des vices cachés, selon la requête.

Autre aberration: le groupe Boussias-Ménard avait autorisé la vente de crème glacée, mais il a soudainement fait volte-face, selon la requête, alors que le couple avait acheté pour 50 000$ d'équipements.

«Dès que les commerces ont atteint leur pleine valeur, les défendeurs ont pris toutes les démarches possibles et imaginables pour tenter de reprendre ces commerces pour une bouchée de pain», soutiennent les demandeurs.

Le couple Senécal-Francoeur «a été très fortement ébranlé par les revirements, mensonges, dols, manipulations et autres manigances» du groupe Boussias-Ménard, selon la poursuite.

Les demandeurs voudraient disposer librement de leurs restaurants pour mettre fin à cet «esclavage économique». Ils demandent au tribunal d'interdire au groupe Boussias-Ménard d'en prendre possession ou de les fermer. Ils réclament également près de 265 000$, en plus d'une somme de 1 million de dollars si les défendeurs les privent du plein bénéfice de leurs droits.

Réplique de Ménard

Joint au téléphone, Bruno Ménard affirme que les allégations du couple sont fausses, que les contrats ne sont pas abusifs et qu'il n'y a pas eu d'argent liquide demandé. «Le gars est en défaut de paiement répété depuis longtemps. Il me doit encore 30 000$. Cette requête est une façon de gagner du temps», dit-il.

Bruno Ménard a transmis à La Presse une entente signée par les deux camps en avril dernier dans laquelle le couple reconnaît devoir 120 000$ au groupe Boussias-Ménard, payable avant mai 2017. Le taux d'intérêt est de 18%. Selon le couple, cette entente n'est pas valide parce qu'elle a été signée sous pression devant l'imminence d'un procès.