Deux adolescents ont raconté, hier, comment une voiture filant à toute allure dans une ruelle de Montréal avait foncé dans leur direction. Le plus jeune a évité la collision en s'aplatissant contre une clôture, l'autre a été heurté de plein fouet, avant que le véhicule lui roule dessus.

«Tiens, mon p'tit câlisse!», s'est écrié le conducteur, avant de poursuivre sa route sans s'arrêter. C'est du moins ce que le plus jeune, qui a maintenant 14 ans, a raconté au procès de Cedric Champoux-Martin. Ce dernier, âgé de 23 ans, qui préfère se faire appeler Alicia, est accusé de voies de fait graves, de négligence criminelle ayant causé des lésions, de conduite dangereuse et de délit de fuite. L'événement est survenu vers 16h15, dans la ruelle qui sépare les rues Lacordaire et Louis-Veuillot, dans le quartier Mercier.

Le plus jeune des deux garçons se souvient qu'après l'impact, la voiture a disparu, et il a vu son ami couché sur le dos, par terre, plein de sang. «Il m'a dit: Laisse-moi pas tout seul. J'ai commencé à crier d'appeler la police, j'ai crié à l'aide», a expliqué le garçon, dont nous devons taire l'identité, en vertu d'un ordre de la cour.

De graves blessures

L'ami en question, maintenant âgé de 16 ans, est aussi venu témoigner, hier. La voiture arrivait vite. «J'ai entendu le moteur qui forçait. Il pesait sur le gaz. Je me suis retourné, et après, je voyais noir.» Il a eu l'impression de «tourner» sous la voiture. Juste avant, il affirme avoir entendu le conducteur dire: «Prends ça, mon esti», d'un ton agressif. Le conducteur avait les «cheveux blonds et tout le kit».

Le garçon a subi de graves blessures, dont il a fait la description hier. Il a passé trois semaines aux soins intensifs, un mois et demi à l'hôpital et trois mois en réadaptation. Il a dû réapprendre à marcher. Son dos le fait souffrir constamment, et il doit encore subir une autre intervention prochainement. «Mais j'ai été chanceux, je n'ai rien eu à la tête», a-t-il dit.

Le garçon a admis que le jour en question, il avait séché les cours toute la journée avec son ami. Ils se sont promenés un peu partout, au Stade, au centre commercial Place Versailles. Lorsque l'événement est survenu, les deux adolescents retournaient chez eux. Questionné par l'avocate de la défense, Sandra Brouillette, l'adolescent de 16 ans a nié avoir vérifié les portières des automobiles, dans la rue Lacordaire, pour voir si elles étaient verrouillées. Les deux garçons sont aujourd'hui placés en centre jeunesse.

Homme-femme

Des témoins qui ont assisté à la scène de leur balcon arrière ont aussi témoigné, hier. Ils ont pensé qu'une femme conduisait la voiture. Ils n'avaient pas tout à fait tort. L'accusé, de frêle stature, a une longue chevelure teinte au peroxyde. Désigné comme un «il» hier matin, on en parlait comme d'un «elle» à la fin de la journée, lors du témoignage de son ami de coeur, Richard Favreau, agent de sécurité.

«Cedric, je l'ai connu dans sa transformation, en juillet 2010. Je l'ai apprivoisé. Le 26 septembre 2011, on était ensemble. Je l'appelle Alicia, il préfère ça. Elle a l'air plus d'une fille que d'un gars», a raconté M. Favreau. Quoi qu'il en soit, selon ce dernier, Alicia (Cedric) et lui se trouvaient rue Lacordaire ce jour-là, dans la voiture de M. Favreau. À un certain moment, Alicia lui a dit qu'elle venait de voir des jeunes voler. M. Favreau est descendu de la voiture, et Alicia est partie avec le véhicule. Quelques minutes plus tard, M. Favreau a appris que des jeunes avaient été heurtés et que c'est sa voiture qui était impliquée.

L'accusé est détenu depuis son arrestation, il y a plus d'un an. Hier, il avait un oeil tuméfié. À l'ajournement, son père, assis dans la salle d'audience, lui a lancé d'une voix forte et enjouée: «Bye, Alicia.»

Le procès se poursuit aujourd'hui, devant la juge Nathalie Fafard. C'est Me Nadine Haviernick qui occupe pour la Couronne.