La policière au matricule 728, Stéfanie Trudeau, qui a fait l'objet de critiques au printemps dernier alors qu'elle avait poivré sans préavis des manifestants lors du conflit étudiant, a de nouveau sévi. Dans un enregistrement vidéo et audio présenté à Radio-Canada, on la voit au centre d'une arrestation violente de quatre personnes, pour des motifs toujours nébuleux, où elle agrippe entre autres un individu par la gorge pour l'immobiliser.

Le 2 octobre dernier, Rudy Orchietti, un citoyen du Plateau Mont-Royal, a ouvert la porte à des amis musiciens qui venaient pratiquer chez lui, rue Papineau. Il tenait dans ses mains une bière, alors qu'il était sur le trottoir, et c'est alors que la policière Trudeau a décidé d'intervenir. Elle lui a demandé ses pièces d'identité.

La suite des choses est devenue chaotique, voire violente. Alors que M. Orchietti demandait à connaître les motifs de son arrestation, l'agent 728 le plaque sur le sol et le menotte, selon ce que rapporte Radio-Canada.

Serge Lavoie, un ami de M. Orchietti, est alors intervenu et a invectivé la policière Trudeau. Celle-ci n'a pas accepté son intervention et l'a même pourchassé à l'intérieur de l'appartement, pour finalement l'attraper par le cou et le mobiliser à son tour. Pendant cette deuxième arrestation, M. Lavoie criait et demandait à ce qu'on respecte ses droits.

Mme Trudeau a par la suite confisqué les cellulaires des personnes arrêtées, mais en a déclenché involontairement un.

La conversation qu'elle a eue avec son supérieur immédiat a donc été enregistrée et des segments ont été diffusés à Radio-Canada. En voici des extraits:

«Là on a réussi à le menotter, mais là pendant ce temps-là, toute les rats qui étaient en haut dans... les gratteux de guitares, c'toute des ostie de carrés rouges là, toute des artistes astie de, de, en tous cas des mangeux de marde, fait que là y sont comme toutte commencé à sortir de l'appartement tsé».

En parlant de l'arrestation de M. Lavoie, elle dit:

«Là, on... on... je saute sur l'ostie de trou de cul. Là évidemment, y s'laisse pas faire, là l'encolure ostie, chu en train de l'étouffer, là je me bats avec dins escaliers, on se bat avec dins escaliers [...] Là finalement a voulu que j'lève le ton pis j'commence à sauter ma coche pour qu'y sa, se dispersent ou qu'y r'rentrent vers le haut tsé.»

«Même si j'aurais pas été 728 c'est des caves pareils, tsé c'est ben parce qu'il m'a reconnu, c'est ben sûr je suis facilement reconnaissable, une fille qui brasse y en pas 12 000 [...] Non je l'ai pas poivré ben j'étais sur le bord en tabarnak, j'étais sur le bord, ça me tentait en crisse, ben je me suis dit si je le fais ça va se retrouver dans les manchettes.»

L'agente 728 «relocalisée»

Le temps qu'une enquête interne soit menée, Mme Trudeau n'occupera plus ses fonctions sur le terrain et ne sera plus en contact avec le public.

«Écoutez, après avoir vu les images, après avoir entendu les propos, je n'ai pas d'autres qualificatifs que ''troublant''. (...) Elle n'aura plus d'interventions avec les citoyens et on a demandé qu'une enquête interne soit faite, pour qu'on puisse rencontrer l'ensemble des témoins», a indiqué le commandant Ian Lafrenière.

«C'est très loin de nos valeurs et ça, c'est pour l'ensemble des policiers qui travaillent chaque jour sur l'île de Montréal. Aujourd'hui, c'était troublant pour l'ensemble des policiers qui ont vu (ces images)», a-t-il dit.

En entrevue avec La Presse, il a voulu insister sur le fait que même si ces images »chocs» n'avaient pas été dévoilées dans les médias, les citoyens auraient été bienvenus à se plaindre des agissements de l'agent 728 et que le SPVM aurait entrepris l'enquête.

Toutefois, a-t-il concédé, il est possible de comprendre pourquoi leur confiance envers les policiers soit minée suite à l'intervention du 2 octobre dernier.

À la Fraternité des policiers de Montréal, c'est le silence radio. On refuse de commenter l'affaire, pour l'instant. La Presse a tenté d'obtenir les réactions de Martin Desrochers, responsable des médias, en vain. M. Desrochers a toutefois répondu, par courriel, que la Fraternité se dissocie des propos tenus par l'agent 728. Il a aussi rappelé qu'il n'est pas d'usage de parler des personnes détenues en utilisant un langage de la sorte.

L'enquête sur l'agent 728 est en cours.

Dans l'ensemble, 4500 policiers travaillent pour le SPVM et reçoivent, en moyenne, entre 3000 et 5000 appels par jour.