Ce n'était pas pour faire dérailler les procès liés à l'opération Colisée qu'un traducteur de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Angelo Cecere, critiquait la traduction de conversations de mafieux. C'était pour aider la justice, affirme l'avocat de l'accusé.

«On ne peut pas accuser quelqu'un qui veut éviter de condamner des innocents», a fait valoir Me Daniel Rock, hier, lorsqu'il a plaidé la cause de son client en Cour du Québec.

M. Cecere, âgé de 59 ans et presque aveugle, a travaillé pendant 26 ans à la GRC comme traducteur et «moniteur». Il a été arrêté en 2007 et accusé d'abus de confiance, de divulgation illégale de renseignements et de tentative d'entrave. En juillet, M. Cecere a plaidé coupable aux deux premières accusations, mais a nié sa culpabilité pour la troisième. Le procès lié à cette accusation de tentative d'entrave s'est tenu hier.

On reproche à M. Cecere d'avoir tenté de «faire dérailler» les procès de l'opération Colisée. Le soir du 17 juillet 2007, M. Cecere travaillait à son bureau de la GRC sur des transcriptions récupérées dans le cadre de Colisée. Ce qu'il ignorait à ce moment, c'est qu'une caméra était braquée sur son bureau et qu'il était sur écoute car la GRC le soupçonnait d'être une taupe. Au cours de la soirée, M. Cecere a appelé l'un de ses fils, lui disant qu'il voulait le voir et que c'était important. Vers 23h, M. Cecere a quitté le travail pour rentrer chez lui. Peu après, son fils, accompagné de Nicola Di Marco, est arrivé chez lui. Les deux hommes sont restés une heure. En sortant, ils ont été interpellés par les policiers. Di Marco, qui frayait avec la mafia, avait en sa possession deux transcriptions d'une conversation de l'opération Colisée, avec des annotations qui critiquaient la fiabilité de la traduction.

Une perquisition chez M. Cecere a ensuite permis de découvrir une disquette liée à l'opération Colisée, contenant un document intitulé Les questions que les avocats devraient poser. M. Cecere a notamment signalé que «personne ne devrait plaider coupable», et qu'il «faut faire venir des traducteurs d'Italie pour montrer que la traduction a été mal faite». Les policiers ont aussi trouvé de nombreux documents liés à des projets de la GRC que M. Cecere n'était pas autorisé à avoir en sa possession. M. Cecere a plaidé coupable aux deux premières accusations, car il a reconnu qu'il n'avait pas le droit d'avoir ce matériel chez lui, ni de transmettre le document d'écoute électronique.

Interprétation

Selon la procureure de la Couronne fédérale, Lyne Décarie, l'écoute électronique effectuée par la GRC sera au centre de la question.

De son côté, Me Rock croit qu'il s'agit d'une «bonne vieille cause du doute raisonnable».

L'avocat soutient que le document critique trouvé sur une disquette chez M. Cecere ne contenait que des «pensées» et qu'aucune preuve ne démontre qu'il a livré ces pensées à quelqu'un. «La tentative d'entrave nécessite plus que la pensée. On ne peut pas être coupable de mauvaises pensées», a illustré Me Rock.

En ce qui concerne le fait que Di Marco avait les transcriptions en sa possession en sortant de chez M. Cecere, Me Rock soutient qu'aucune preuve ne démontre que l'accusé les lui a remises. «M. Cecere a des problèmes de vision. Peut-être qu'il n'a pas vu l'autre prendre le document», a plaidé l'avocat.

Le juge Gilles Cadieux rendra sa décision le 7 décembre. En ce qui concerne Nicola Di Marco, ce dernier a été arrêté en 2008 et condamné à quatre ans de prison pour complot, gangstérisme et pour avoir tenu une maison de jeu illégale. Le procureur de la Couronne, Yvan Poulin, l'avait décrit comme un «intermédiaire de haut niveau» de la mafia.