Alerté par les cris, Ebrahim Ebrahimi s'est précipité au sous-sol de sa résidence, le matin du 13 juin 2010, pour y découvrir une scène effrayante. Il y avait du sang partout, et sa fille et sa femme se tenaient par les cheveux. M. Ebrahimi ne reconnaissait plus sa tendre épouse, qui «riait comme dans des films d'horreur.»

«En 23 ans de mariage, on a traversé bien des choses. En Afghanistan, on avait marché trois nuits pour fuir les Talibans. Mais ma femme, je ne l'avais jamais vue comme ça», a signalé l'homme de 52 ans, jeudi matin, alors qu'il témoignait au procès de son épouse, Johra Kaleki. La femme de 40 ans est accusée de tentative de meurtre sur leur fille aînée, Bahar. Le drame est survenu dans le sous-sol du domicile familial de Dorval. Sortie sans permission la veille, Bahar était rentrée à l'aube, au grand déplaisir de ses parents. Sa mère a demandé à son mari de monter à l'étage, disant qu'elle allait s'occuper de sa fille. Madame aurait fait étendre Bahar sur le canapé, et l'aurait attaquée avec un couteau pour hacher la viande, en lui disant qu'elle ne «méritait pas cette vie.»

Arrivé sur les entrefaites, monsieur a essayé de maîtriser sa femme, qui se montrait étonnamment plus forte que lui, dit-il. C'était très inhabituel. Sa femme répétait «elle tue elle (she kill her.) Selon le récit de Monsieur, elle avait les yeux grands ouverts, et elle faisait des bruits horrifiants. Bahar a finalement pu monter à l'étage, et a appelé le 9-1-1. Quand les policiers sont arrivés, l'époux était sur madame, pour la tenir en place. En présence des policiers, madame disait : «laissez-moi finir le travail.»

Très fatiguée

M. Ebrahimi soutient que sa femme est une femme douce habituellement. Il ne comprend pas ce qui est arrivé, pense qu'elle était très fatiguée. La nuit précédant l'événement, elle n'avait pas dormi et se levait souvent, croyant entendre la voix de sa fille dans la maison. Elle a même pensé à un moment que Bahar jouait à cache-cache. Il affirme que le matin, sa femme était si faible, qu'elle avait de la difficulté à marcher.

L'homme a aussi raconté que lui et sa femme sont musulmans croyants mais ne pratiquent pas ou très peu, et qu'ils sont ouverts d'esprit. Monsieur n'a pas de problème avec «le sexe avant le mariage», bien qu'à ses yeux, mieux vaut attendre d'avoir 18 ans. Sur son lit d'hôpital, Bahar avait raconté que ses parents étaient très coercitifs à son égard, pour les sorties et ses fréquentations. Dans une déclaration, donnée le jour même du drame aux policiers, la mère racontait qu'elle avait voulu tuer sa fille, qui désobéissait aux règles et faisait pleurer son père.

Aujourd'hui madame renie cette déclaration incriminante, que la Couronne tente de mettre en preuve. Madame soutient qu'elle n'était pas elle-même, et qu'elle ne souvient même pas d'avoir été interrogée. La défense invoquera manifestement un problème mental, que la psychiatre Dominique Bourget devrait venir expliquer. L'affaire est à suivre, mais il faut être patient. Le procès qui se déroule devant le juge Yves Paradis, ne reprendra qu'à la fin janvier, et se déroulera par à coups.

Rappelons que Bahar avait été gravement blessée, mais s'en est heureusement tirée. Elle est mariée depuis un an, et est redevenue proche de sa mère, qui est en liberté sous cautionnement.