En sortant de la petite salle de bains où il s'était réfugié pendant la fusillade, le 18 mars 2010, Frédérick Louis a vu par terre les corps inertes et ensanglantés de deux compagnons d'infortune. Lui-même atteint de cinq balles, M. Louis a réussi à regagner son Cadillac Escalade et s'est rendu à l'hôpital.

C'est ce que Frédérick Louis a raconté, ce matin, alors qu'il témoignait au procès de Carey Isaac Régis, 43 ans, et de Terrell Lloyd Smith, 29 ans, accusés dans la foulée de cette fusillade, qui a fait deux morts et deux blessés graves. Le drame est survenu le 18 mars 2010, dans la boutique Flawnego, au 240, rue Saint-Jacques Ouest, dans le Vieux-Montréal. Cette boutique de vêtements, propriété de Ducarme Joseph, était en rénovation. M. Louis s'y trouvait en compagnie de Peter Christopoulos, de Jean Gaston (oncle du propriétaire), de Ducarme Joseph, de l'électricien Alain Gagnon, d'une caissière et possiblement de deux autres travailleurs.

M. Louis, 32 ans, un grand gaillard de 1,85 m, est le premier témoin de ce procès aux assises, qui s'est ouvert ce matin à Montréal et qui doit durer deux mois. Quand la greffière a demandé à M. Louis son occupation, il a répondu «travailleur», sans plus de précision. Il a ensuite parlé de ce fameux début d'après-midi du 18 mars 2010. Il se souvient qu'il parlait de tout et de rien avec M. Christopoulos lorsqu'il a vu par la fenêtre deux hommes qui ont ensuite fait irruption dans la boutique.  Ils «ont fait le geste de mettre la main dans un sac à dos», a raconté M. Louis. Voyant cela, lui et M. Christopoulos se sont mis à courir vers le fond de la boutique. Les coups de feu ont commencé à retentir.

M. Louis se souvient d'avoir été touché plusieurs fois et de s'être réfugié dans une petite salle de bains. Il était accroupi, retenait la porte avec un bras et tentait de se protéger «la tempe». Les individus tiraient maintenant à travers la porte. Il pense avoir entendu de 12 à 15 coups de feu. Il a reçu une balle dans la mâchoire, une dans la nuque près du cervelet, une dans chaque bras et une dans la hanche gauche qui lui a «arraché un bon morceau de chair», a-t-il expliqué.

Quand les bruits ont cessé, il a appelé le 911 avec son téléphone portable. Mais, sous le choc, il ne parvenait pas à se souvenir de l'adresse. «J'ai raccroché et j'ai pris la chance de sortir», a-t-il raconté.

En sortant, il a vu le corps inerte de Jean Gaston (oncle de Ducarme Joseph). Il y avait une arme près de sa main et peut-être un sac à dos. Il a aussi vu le corps de l'électricien, dont «la tête était enflée comme un ballon de soccer, et de couleur violette». Il a pensé qu'ils étaient morts tous les deux. En réalité, l'électricien a survécu et viendra témoigner lui aussi. Peter Christopoulos et Jean Gaston, eux, sont morts.

Questionné sur l'apparence des tueurs, M. Louis se souvient en avoir vu deux, l'un très grand et l'autre plus petit. Ils avaient tous les deux des tresses (dreads) mais se dit incapable de les reconnaître. Il croit qu'ils portaient des masques ou des bas nylon sur le visage.

Avant le témoignage de Frédérick Louis, le procureur de la Couronne Thierry Nadon a fait un résumé de la cause au jury. Selon cette théorie, le ministère public a remonté jusqu'aux accusés en raison des indices qu'ils avaient laissés derrière eux. C'est du moins ce que la Couronne tentera de démontrer dans les prochaines semaines dans ce procès présidé par le juge Michael Stober. Me Nadon est assisté de Me Louis Bouthillier, et les accusés sont défendus par Me Marion Burelle et Me Franco Schiro.