Le nombre d'infractions sexuelles dénoncées à la police en 2011 a atteint son plus faible niveau en 10 ans, selon un nouveau rapport du ministère de la Sécurité publique du Québec. Pourtant, un sondage obtenu par La Presse révèle que les Québécois sont plus enclins qu'avant à vouloir signaler les agressions sexuelles à la police.

En 2011, les corps policiers du Québec ont enregistré 4858 infractions sexuelles, soit 450 de moins que l'année précédente, apprend-on dans le rapport Infractions sexuelles au Québec - Faits saillants 2011, publié la semaine dernière sur le site du Ministère.

Cette baisse de 9% «provient surtout d'une diminution des dénonciations de crimes commis dans une année antérieure, particulièrement de ceux datant de plus de 20 ans», peut-on y lire. Les plaintes déposées juste après le crime sont aussi en baisse.

Doit-on comprendre que moins de crimes sexuels sont commis au Québec? Non, répond Danièle Tessier, agente de liaison et de développement au Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). «Ces statistiques ne reflètent pas la situation des agressions sexuelles; elles montrent seulement si les femmes les dénoncent ou non», dit-elle.

Danièle Tessier souligne que le taux de dénonciations varie d'une année à l'autre en fonction de ce qui se passe dans la société. L'exemple le plus probant est peut-être celui de Nathalie Simard: le nombre de dénonciations tardives a atteint un sommet en 2006 après que la chanteuse eut dénoncé publiquement son ex-imprésario, Guy Cloutier.

Mme Tessier croit que la société devrait envoyer un message aux femmes pour leur donner une plus grande confiance dans le système judiciaire. Les études démontrent que seulement de 6% à 15% des agressions sexuelles commises sont dénoncées. «Il reste encore une résistance chez les femmes à entreprendre des poursuites criminelles qui sont souvent complexes et difficiles», dit-elle.

Les policiers pourraient entre autres permettre aux victimes d'être accompagnées par une paire ou une intervenante lorsqu'elles portent plainte, selon Danièle Tessier.

Plus de volonté

Si le nombre de dénonciations est en baisse, la propension à vouloir signaler les agressions sexuelles est en hausse.

En effet, 63% des Québécois affirment qu'ils dénonceraient une agression sexuelle à la police s'ils en étaient témoins ou victimes, selon un sondage réalisé en 2011 par la firme SOM et obtenu grâce à la Loi sur l'accès à l'information. En 2009, c'était 52% des répondants qui pensaient ainsi.

Quant aux personnes qui choisiraient plutôt de communiquer avec un service d'aide, leur nombre est stable (environ 10%).

Le sondage avait pour but d'évaluer l'impact de la quatrième phase de la campagne gouvernementale de sensibilisation aux agressions sexuelles. Il s'agissait d'une publicité qui montrait les mains d'une jeune victime tentant d'empêcher son agresseur d'ouvrir sa fermeture éclair. Elle a paru au printemps 2011 à la télévision, sur l'internet et sur des panneaux d'affichage.

«La publicité visait à encourager les victimes et leurs proches à dénoncer les agressions sexuelles, a indiqué Hélène Cadrin, responsable des dossiers violence et criminalité au ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. On espère que la campagne a contribué» à la hausse de la propension à dénoncer les agressions à caractère sexuel.

Hélène Cadrin s'explique par contre mal le fait que le nombre de dénonciations soit en baisse au Québec. «Pour nous, c'est un point d'interrogation», dit-elle, en précisant que les statistiques devront être analysées davantage.

Méconnaissance des services

Si les Québécois sont massivement enclins à vouloir dénoncer les agressions sexuelles, peu connaissent les services d'aide aux victimes.

«Les gens disent qu'ils dénonceraient les agressions, mais il y a une méconnaissance des services, et ça nous interpelle», a indiqué Hélène Cadrin.

En 2010, Québec a mis en service une ligne téléphonique 1-800 destinée aux victimes d'agression sexuelle, à leurs proches et aux intervenants. Le sondage révèle que seulement le quart de la population (27%) a été en mesure de nommer cette ressource l'an dernier, soit moins que les 39% de 2010.

Le ministère de la Justice entend faire de la publicité dans les journaux locaux à l'automne pour rappeler l'existence de cette ligne, selon Hélène Cadrin.

Le sondage a été mené auprès de 1002 personnes du 16 au 31 mai 2011. Sa marge d'erreur est de 3,9 points de pourcentage.

- Avec la collaboration de William Leclerc