De nouveaux faits troublants émergent dans l'affaire des deux patients assassinés le mois dernier à l'hôpital Notre-Dame. Selon ce qu'a appris La Presse, une des victimes était toujours vivante quand des employés l'ont retrouvée inanimée dans son lit. Lorsqu'ils ont voulu la transférer d'urgence aux soins intensifs, ils auraient carrément dû arracher la porte de la chambre, parce que la civière était trop large. Le patient est mort quelques jours plus tard.

Rappelons que dans les nuits du 16 et du 22 juin, deux patients hospitalisés à l'unité de psychiatrie de l'hôpital Notre-Dame se sont éteints. Le personnel médical a d'abord cru à des morts naturelles, jusqu'à ce qu'une autre patiente, Iolanda Bertocchi, 71 ans, affirme qu'on avait tenté de l'assassiner dans sa chambre. On a ensuite fait le lien avec les décès précédents. Une autopsie a confirmé que les deux hommes de 69 et 77 ans étaient morts asphyxiés.

Idelson Guerrier, 31 ans, qui était également hospitalisé au même endroit, est accusé de tentative de meurtre. Il reviendra d'ailleurs en cour ce matin à ce sujet. M. Guerrier est également le principal suspect des deux meurtres, mais aucune accusation n'a encore été portée.

Depuis les événements, la direction de l'hôpital, vertement critiquée par ses employés pour sa gestion de la crise, est restée très discrète sur les circonstances entourant les décès qui font actuellement l'objet d'enquêtes interne et policière. Des informations obtenues par La Presse soulèvent toutefois de nouvelles et sérieuses questions sur la sécurité des patients du service de psychiatrie.

Trop large

Selon ce que nous avons appris, les employés auraient eu d'énormes difficultés à transporter la deuxième victime de meurtre, le 22 juin, après l'avoir découverte dans un état critique, dans sa chambre. Afin de la transférer rapidement aux soins intensifs, des membres du personnel ont voulu apporter une civière dans sa chambre. Étonnamment, ils se seraient butés à un cadre de porte beaucoup trop étroit pour la largeur du brancard installé à l'étage, et auraient dû se résoudre à arracher la porte de la chambre afin de l'y faire entrer pour transporter le patient. Ce dernier est décédé au cours des jours suivants.

L'unité était-elle adaptée? Me Paul Brunet, porte-parole du Conseil de la protection des malades, se pose la question. Il dit toutefois ne pas être surpris par l'incident: «Il y a beaucoup d'endroits qui sont vétustes et désuets dans le milieu de la santé.» À l'hôpital Notre-Dame, dès le lendemain des événements, une civière plus étroite avait été installée à l'étage. La CSST enquête sur la question.

À l'hôpital, on ne nie pas les faits, mais on refuse de les commenter, de les expliquer ou de les confirmer. «Tous ces éléments font partie de l'enquête interne en cours», indique la porte-parole Lucie Dufresne, qui assure toutefois que le patient décédé a reçu tous les soins nécessaires. «Une équipe de réanimation est arrivée rapidement sur les lieux et des manoeuvres ont été initiées. Le patient a été transféré à l'unité des soins intensifs.»

Selon Guy Brochu, président du syndicat des infirmières du CHUM, auquel le personnel de l'hôpital Notre-Dame est affilié, l'incident de la civière n'est probablement pas la cause du décès de la victime. «On fait de la réanimation dans toutes sortes d'endroits et de circonstances. Ce n'est pas toujours idéal, mais on y arrive. Alors, je ne pense pas que les événements aient changé le destin du patient», affirme-t-il.

Que ce soit le cas ou non, Paul Brunet dénonce ce qu'il qualifie de «manque de transparence» de la part de l'établissement dans toute cette affaire de meurtre, qui reste encore très opaque. «Parlez. Expliquez», demande Me Brunet aux administrateurs. «Si vous n'avez rien à vous reprocher, pourquoi ne pas être transparent? Et si vous vous êtes gourés, dites-le. Les gens vous feront d'autant plus confiance.»

Au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), on dit vouloir attendre la fin de l'enquête pour faire la lumière sur les événements. «C'est notre souhait de révéler les détails de l'affaire lorsque nous serons en mesure de le faire», assure Lucie Dufresne.