Jean Lapierre, qui gagne sa vie comme commentateur politique, hésite maintenant à commenter certains sujets, comme la commission Charbonneau. L'atteinte au droit d'expression de M. Lapierre est un des effets pervers de la diffamation causée par le journaliste Pierre Sormany.

C'est, entre autres, ce que Me Jacques Jeansonne a fait valoir dans le cadre des plaidoiries qui ont clôturé le procès en diffamation intenté par son client, Jean Lapierre, à M. Sormany, professeur de journalisme et ex-directeur des émissions d'affaires publiques de Radio-Canada. Ce dernier reconnaît qu'il a commis une faute, le 26 septembre dernier, en écrivant dans un message sur Facebook que M. Lapierre donnait des conseils en relations publiques à son ami, l'entrepreneur Tony Accurso. Mais M. Sormany soutient qu'il n'a jamais eu l'intention de diffamer M. Lapierre, ni de diffuser ce message. Il croyait l'avoir envoyé de façon privée à une amie journaliste, alors qu'il l'avait malencontreusement envoyé sur le mur de celle-ci. Ce qui rendait le message accessible aux 363 contacts de cette journaliste. Le message est resté quatre jours sur le mur. M. Sormany l'a retiré le 30 septembre 2011, après avoir reçu la poursuite en diffamation de M. Lapierre.

Me Jeansonne ne croit pas à la «non-intention» de M. Sormany. Il pense que M. Sormany a lancé un «ballon médiatique», en souhaitant que son nom se perde. Par ailleurs, Me Jeansonne reproche à M. Sormany d'en avoir rajouté après la faute qui lui a coûté son emploi. Dans une entrevue à la station radiophonique 98,5 avec Benoit Dutrizac, le 1er novembre, M. Sormany s'est présenté comme une victime de la guerre médiatique entre les grands réseaux, et a dit que son propos était «d'intérêt public».

M. Lapierre affirme qu'il reçoit maintenant des messages qui remettent en question son intégrité, alors que cela n'arrivait pas avant cette histoire.

Personnage public

Les avocates de M. Sormany, Me Julie Chenette et Me Sarah Simard, ont pour leur part fait valoir que M. Lapierre a choisi d'être un personnage public et qu'en tant que tel, il doit s'attendre à être la cible de critiques. D'autant plus qu'il se présente lui-même comme un commentateur et un provocateur qui cherche à susciter des réactions. «Les dommages doivent s'inscrire dans ce contexte public.»

Par ailleurs, les avocates ont soutenu que le message de M. Sormany a eu une diffusion plutôt restreinte. C'est M. Lapierre lui-même qui a contribué à sa diffusion, en retwittant un article au sujet de sa poursuite à ses 15 000 abonnés du moment. Les avocates croient enfin que les dommages sont mitigés, car M. Lapierre n'a pas perdu d'emploi, d'ami ou de soutien dans la foulée de cette affaire. Le nombre de ses abonnés sur Twitter s'élève même à 35 000 maintenant.

Le juge Michel Yergeau a pris la cause en délibéré et rendra sa décision plus tard.