«Mon Dieu, je ne sais plus quoi faire!» De l'hôpital, Johanna Martinez, en larmes, explique qu'elle doit quitter le Canada dans la nuit, avec deux de ses filles, âgées de 9 et 14 ans. C'est un scénario catastrophe que vit cette mère de famille colombienne qui, malgré son hospitalisation depuis cinq jours, n'a pas pu bénéficier d'un report de son renvoi.

Johanna Martinez a été admise vendredi à l'hôpital Notre-Dame, à Montréal. Elle souffre notamment d'une infection de l'intestin. Selon deux notes rédigées samedi et hier par des médecins du CHUM à l'intention de l'agent de renvoi, Mme Martinez doit se reposer pendant plusieurs jours avant de consulter des spécialistes, notamment en chirurgie. Ces notes n'ont manifestement pas convaincu l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), qui a maintenu l'expulsion de Mme Martinez et de ses deux filles aînées, prévue cette nuit.

«Je n'ai aucune idée de ce qui va m'arriver», lâche-t-elle.

Avant son arrivée au Canada en 2004, Johanna Martinez a vécu près de deux décennies illégalement aux États-Unis. Avec son conjoint, Fernando Suarez, elle avait tenté de s'installer dans leur pays d'origine, en Colombie. Mais M. Suarez a été enlevé par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Joanna Martinez a fui pour le Canada, où sa demande d'asile a été jugée peu crédible et rejetée. Son mari, qui l'a rejointe quelques mois plus tard, est devenu réfugié, avant d'être condamné pour vol au Canada. Les deux filles aînées du couple, nées aux États-Unis, n'ont pas la citoyenneté canadienne, contrairement aux deux plus jeunes, âgées de 7 et 2 ans.

Après la parution d'un reportage dans La Presse au sujet de l'expulsion de cette mère de famille et de deux de ses enfants, le ministre de l'Immigration Jason Kenney, dans une sortie inhabituelle, a qualifié Mme Martinez de «fugitive» au long passé criminel, et son mari de «membre d'une organisation criminelle spécialisée dans le vol de bijoux».

Pour le président de l'Association québécoise des avocates et avocats en immigration (AQAADI), l'ultime refus, hier, de l'agent de renvoi de reporter l'expulsion est symptomatique de l'«ingérence politique» du ministre Kenney.

«Avec une déclaration publique du ministre, nécessairement, l'agent de renvoi sent une pression», croit M. Bohbot.

Hier, le cabinet M. Kenney n'a pas souhaité commenter cette expulsion et a dirigé La Presse vers l'ASFC.

Sans commenter le cas particulier de Mme Martinez, l'ASFC rappelle que «la décision de renvoyer un individu du Canada n'est pas prise à la légère. Les personnes sont traitées au cas par cas et tout individu dont on ordonne le renvoi du Canada a droit à l'application régulière de la loi».

«Dans les cas où il est question de problèmes médicaux, les agents de l'ASFC consultent des professionnels de la santé et s'appuient sur leur expertise pour établir si une personne est en santé pour voyager», explique Stéphane Malépart.