Marie-Nicole Rainville s'est tiré une balle dans la tête en tenant le pistolet par le canon, au lieu de la crosse, de sa seule main valide, la gauche. Le projectile a dévié de sa trajectoire en pénétrant dans la tempe, et la douille retrouvée sur la table du salon était en fait sur le sein de la femme quand Jacques Delisle l'a trouvée, le matin du 12 novembre 2009.

C'est ce que le premier expert présenté par la défense, le balisticien français Vassil Swisstounoff, a raconté hier au procès du juge retraité Jacques Delisle, accusé du meurtre prémédité de sa femme.

Ce qui ressort de son témoignage, c'est que M. Swisstounoff fait siennes plusieurs des théories que les deux experts en balistique de la Couronne avaient balayées, car ils les jugeaient improbables. Les experts de la Couronne avaient conclu que le tir avait été fait à angle, pour que le projectile se retrouve là où il était, dans le fond du crâne. M. Swisstounoff soutient que le projectile a changé de trajectoire en touchant l'os de la tempe. Ce détail est important dans le contexte.

Le fameux noir de fumée trouvé dans la paume de la défunte, qui a mis la puce à l'oreille aux enquêteurs, aurait été causé par les grains de poudre et la fumée qui sortaient de la plaie, croit l'expert de la défense. Ceux de la Couronne ont plutôt laissé entendre que Mme Rainville avait voulu se protéger ou repousser l'arme.

M. Swisstounoff, qui travaille depuis 13 ans dans un laboratoire indépendant de balistique à Paris, a eu accès à la preuve et a réalisé des tests de maniement d'arme avec deux femmes. Toutes deux ont été capables de se tirer d'une seule main, avec le pistolet à l'envers. L'une a même été capable de charger l'arme d'une seule main, en s'appuyant sur une table, a-t-il fait valoir.

Des tests au Québec

M. Swisstounoff est aussi venu au Québec pour faire des tests, à l'automne 2010 et en juin 2011. Le 3 décembre 2010, il s'est rendu chez l'accusé, à Québec, pour voir l'endroit où le drame était survenu, un an plus tôt. M. Delisle lui aurait dit que lorsqu'il avait trouvé sa femme, la douille était sur un de ses seins. Les policiers ont pour leur part retrouvé la douille sur une table d'appoint, près du canapé, le matin fatidique. Cet aspect n'a pas encore été éclairci.

En contre-interrogatoire, l'avocat de la Couronne, Michel Fortin, a fait valoir au témoin que la «condition essentielle» pour que sa théorie tienne était que le tir avait dévié. M. Swisstounof est formel sur cet aspect, alors que les experts de la Couronne avaient fait une trajectoire en droite ligne.

Devant l'insistance de Me Fortin, le témoin a lancé sèchement à un certain moment: «Avez-vous fait ces essais?» Le juge Claude Gagnon a indiqué au témoin que ce n'était pas à lui de poser des questions.

Le procureur a continué de cuisiner le témoin sur des détails extrêmement précis, et continuera à le faire aujourd'hui.

Le procès en est à sa quatrième semaine. Rappelons que Marie-Nicole Rainville, 71 ans, était paralysée du côté droit depuis plus de deux ans quand elle morte dans le condo qu'elle occupait avec son mari, à Sillery. Le drame est survenu quelques mois après que M. Delisle eut pris sa retraite à titre de juge à la Cour d'appel. Une amie du couple, Ginette Bruneau-Brossard, a indiqué dans son témoignage, mardi dernier, que Mme Rainville était souvent découragée de son état, après son AVC, qui était survenu en avril 2007.