Depuis l'accident vasculaire cérébral (AVC) qui l'avait laissée paralysée, Marie-Nicole Rainville était malheureuse et n'acceptait pas son état. Elle aurait même évoqué l'idée d'en finir.

«Elle m'a dit: «De toute façon, je sais où il y a une arme»», a raconté hier Marcel Carbonneau, premier témoin produit par la défense au procès de l'ex-juge Jacques Delisle, accusé du meurtre prémédité de sa femme.

M. Carbonneau, chirurgien orthopédique à la retraite, est un ami de l'accusé. Ils se sont connus lorsqu'ils étaient dans la vingtaine, et sont toujours restés proches. Leurs femmes respectives s'entendaient bien, et les deux couples se fréquentaient souvent. Invité à décrire Mme Rainville avant qu'elle ne subisse son AVC, M. Carbonneau a dit qu'elle était joviale, fière, enjouée, agréable, très active dans les conversations, avait un bon sens de l'humour... Après son AVC, en avril 2007, «elle n'était plus la même personne. Elle n'était plus aussi enjouée. Elle n'était pas joyeuse ni contente de la situation», a expliqué le témoin. Il a remarqué qu'elle ne discutait pas comme avant et n'était pas capable de suivre la conversation, si plusieurs personnes étaient réunies. Mme Rainville aurait passé la réflexion au sujet de l'arme à un moment où ils se sont retrouvés tous les deux seuls dans une pièce, pendant un souper chez les Delisle-Rainville. L'état de Mme Rainville s'est détérioré encore plus après qu'elle se fut fracturé une hanche, le 7 juillet 2009. Elle est restée de longs mois à l'hôpital, et pouvait seulement se déplacer de son lit à la salle de bains à l'hôpital, s'est rappelé le témoin.

En contre-interrogatoire, le procureur de la Couronne a demandé à M. Carbonneau s'il avait parlé à quelqu'un de la réflexion de Mme Rainville au sujet de l'arme. Non, il n'en a jamais parlé à personne, ni à sa femme ni à M. Delisle.

«Vous êtes médecin et vous n'en avez pas parlé?», s'est indigné Me Steve Magnan.

«Non», a répondu le témoin avant d'ajouter qu'il n'avait pas pensé que Mme Rainville «en était rendue là».

Ménage

Le deuxième témoin de la défense, Marjolaine Castonguay, faisait le ménage chez le couple Delisle-Rainville toutes les deux semaines, le mercredi. Elle a connu Mme Rainville en 2008, donc après que cette dernière a fait son AVC. Selon elle, la femme pouvait circuler dans la maison avec une canne quadripode. Elle pouvait même apporter son déjeuner ou son dîner sur la table. Mme Castonguay se souvient qu'un jour, Mme Rainville a dit qu'elle «serait bien mieux morte».

Mme Rainville est revenue à la maison le 30 octobre 2009, après trois mois d'hospitalisation. Elle est morte d'un coup de feu à la tête le 12 novembre. Entre ces deux moments, Mme Castonguay l'a vue, en allant faire le ménage, le 4 novembre. Mme Rainville était assise dans le salon, puis elle s'est couchée sur le canapé. La femme de ménage n'a jamais vu d'arme à feu dans une boîte chez le couple. Elle se souvient que M. Delisle s'occupait de sa femme.

Patrimoine

Un peu plus tôt dans la journée, la Couronne avait présenté son 22e et dernier témoin: la notaire Danielle Beausoleil, qui a analysé la situation financière de M. Delisle. En 2009, l'accusé recevait une pension de 178 000$ par année. Son patrimoine était estimé à 2,8 millions. En divorçant, il aurait dû en donner la moitié à sa femme. Comme madame est morte, il a tout conservé. La Couronne voulait manifestement soulever la possibilité d'un mobile financier, en plus du mobile amoureux. On sait qu'en 2009, M. Delisle avait manifesté son désir de faire vie commune avec sa maîtresse et ex-secrétaire, Johanne Plamondon. Le procès se poursuit vendredi matin.