L'AVC qui l'avait laissée paralysée du côté droit en avril 2007 était la plus grande épreuve de sa vie, disait Marie-Nicole Rainville. Malgré la tristesse qu'engendrait son état, elle restait combative dans sa réadaptation et disait qu'elle n'était pas déprimée.

«Elle exprimait sa tristesse, mais je n'ai pas entendu d'idées suicidaires», a fait valoir l'ergothérapeute Marie-Josée Tremblay, vendredi, au procès de Jacques Delisle. L'homme de 77 ans est accusé du meurtre prémédité de sa femme. Marie-Nicole Rainville, 71 ans, est morte d'une balle à la tempe gauche, le 12 novembre 2009, dans l'appartement du couple, à Québec. M. Delisle, qui avait pris sa retraite de juge à la Cour d'appel quelques mois auparavant, soutient que sa femme s'est suicidée pendant qu'il est allé faire une course, mais le ministère public croit plutôt que c'est lui qui l'a tuée.

En plus de son AVC, Mme Rainville s'est fracturé la hanche en juillet 2009 et a été opérée à deux reprises. À titre d'ergothérapeute, Mme Tremblay a donné des traitements à Mme Rainville de son arrivée en réadaptation à l'hôpital Saint-Sacrement, à la fin du mois d'août, jusqu'à son retour à la maison, à la fin du mois d'octobre 2009, soit pendant deux mois. La patiente a réussi à gagner un peu d'autonomie pendant son séjour en réadaptation, mais elle restait un cas lourd, selon les témoignages. Son côté droit était paralysé, mais, à la fin, elle pouvait parcourir de courtes distances avec un déambulateur qu'elle tenait de la main gauche. Elle ne pouvait rien tenir d'autre. Du moins, il n'y avait eu aucune pratique en ce sens, a signalé Mme Tremblay vendredi. Ce détail sera sans doute important plus tard, car Mme Rainville aurait dû aller chercher l'arme elle-même sur la petite table de l'entrée, pour revenir sur le canapé et s'y suicider. Vendredi, l'avocat de la défense, Me Jacques Larochelle, a fait admettre au témoin que Mme Rainville aurait pu mettre quelque chose dans sa poche avec sa main gauche.

Aide constante

Selon les témoignages, Mme Rainville parlait auparavant plusieurs langues et jouait au bridge. L'AVC a atteint son centre de la parole, et elle ne savait plus parler d'autres langues. Après sa fracture de la hanche, elle avait besoin d'une aide quasi constante. Elle pouvait s'habiller seule pour le bas avec sa main gauche, mais elle avait besoin d'aide pour le haut. Comme sa fracture était survenue lorsqu'elle était tombée d'un siège d'aisance dans sa chambre, elle portait désormais des couches la nuit, pour éviter d'avoir à se lever. Pendant sa réadaptation, elle avait visité une résidence privée, où elle aurait pu aller vivre et recevoir des soins pour son état. Mais elle était ambivalente. «Mon coeur est à la maison, mais ma raison est à la résidence, disait-elle. Finalement, elle a décidé d'écouter son coeur. Elle est rentrée à la maison.

Son mari, Jacques Delisle, s'est bien occupé de sa femme pendant son hospitalisation, selon Mme Tremblay. Il était entendu que c'est lui aussi qui allait s'occuper d'elle à son retour à la maison, pour les soins de base, comme l'hygiène et l'habillage. Il devait aussi s'occuper des activités courantes de la vie, comme faire les courses et préparer les repas.

Mme Rainville est morte 13 jours après son retour à la maison. Lors de sa déclaration d'ouverture, le procureur de la Couronne, Steve Magnan, a indiqué que M. Delisle entretenait une liaison amoureuse depuis des années avec sa secrétaire. Et selon M. Delisle lui-même, il s'est querellé avec sa femme le matin du drame. Il trouvait la tâche lourde. «Ça va-tu finir un jour, tout ça?», avait-il lancé avec impatience.

Le procès se poursuit la semaine prochaine. Jusqu'ici, 12 des 21 témoins prévus par la Couronne ont été entendus.

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Moments-clés de l'affaire Delisle

Le matin du 12 novembre 2009, selon ce que Jacques Delisle a dit à des policiers:

9h: Il se querelle avec sa femme, Marie-Nicole Rainville.

9h30: Il sort et va chez Roset, une épicerie fine.

10h30: Il revient, trouve sa femme qui s'est suicidée d'une balle dans la tête et appelle le 911.

La suite, selon les témoignagesdes policiers:

10h32: L'appel au 911 leur est transmis.

10h39: Les premiers policiers arrivent sur les lieux. M. Delisle les attend en bas de l'immeuble pour leur ouvrir la porte. Ils montent à l'appartement 605 et font les premières constatations. M. Delisle est prié de rester à l'extérieur. Mme Rainville est étendue sur le sofa. Elle a un trou dans la tempe gauche et le bras gauche pendant. Un petit pistolet de calibre .22 est par terre, près du sofa. Le chargeur a été enlevé et est à côté. M. Delisle les a informés que c'est lui qui l'a enlevé pour sécuriser l'arme.

10h45: Les ambulanciers arrivent et commencent des manoeuvres de réanimation.

11h13: Les ambulanciers partent avec la victime.

11h20: Le technicien en scènes de crime arrive sur les lieux, fait les premières observations et décide d'aller à l'hôpital pour voir le corps. La trace noire à l'intérieur de la main gauche de la victime l'intrigue au plus haut point.

11h22: Le décès est officiellement constatéà l'hôpital.

14h30: Le technicien revient à l'appartementpour faire les photos.

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Au sujet de Marie-Nicole Rainville

14 avril 2007: Marie-Nicole Rainville fait un AVC, le jour de son 69e anniversaire. Elle reste paralysée du côté droit.

12 Juillet 2009: Elle est opérée pour une fracture de la hanche qu'elle s'est faite en tombant.

31 août 2009: Elle change d'hôpital pour aller en réadaptation à Saint-Sacrement.

30 octobre 2009: Elle revient à la maison.

12 novembre 2009: Elle meurt dans les circonstances que l'on connaît.

État de santé de Mme Rainville

À son arrivée en réadaptation, elle était faible et avait besoin d'aide même pour se déplacer dans son lit. Avec les traitements, elle a réussi à prendre de la force. À sa sortie, elle pouvait parcourir de courtes distances à l'aide d'un déambulateur, qu'elle tenait uniquement de la main gauche puisque son bras droit était complètement paralysé.