«Je le sais ce que vous pensez, mais je ne l'ai pas tuée.»

C'est ce que juge à la retraite, Jacques Delisle, a lancé à deux enquêteurs de la police de Québec, le jour où sa femme est morte d'une balle à la tête, le 12 novembre 2009.

Les enquêteurs sont restés surpris, car ils ne soupçonnaient pas M. Delisle à ce moment-là. Ils étaient là pour le suicide de Marie-Nicole Rainville. La scène se déroulait à l'hôpital, où le corps de Mme Rainville, 71 ans, venait d'être transporté. Son décès avait été constaté officiellement par un médecin. Les enquêteurs Josée Lajeunesse et Yves Simard, de la police de Québec, venaient d'arriver. Ils ont regardé le corps, puis ont parlé à M. Delisle, qui faisait les cent pas, dans un petit salon réservé aux familles. C'est là que ce dernier a été informé que des expertises policières étaient menées chez lui et qu'il ne pouvait pas s'y rendre pour le moment. Cela a fâché M. Delisle. Il a haussé le ton, a expliqué Mme Lajeunesse, qui a témoigné hier au procès de l'ancien juge, à Québec. Ce dernier est accusé du meurtre prémédité de sa femme.

D'un ton sec, M. Delisle a dit que personne n'allait l'empêcher de rentrer chez lui. Il a ajouté: «Il n'y aura pas d'expertises chez moi en mon absence.» Josée Lajeunesse a eu l'impression qu'il voulait prendre les rênes de l'enquête.

«Ce n'était plus nous qui menions l'enquête. J'ai dit: "Vous savez comment ça fonctionne. On a un job à faire. Si vous vous présentez, vous pouvez être accusé d'entrave"»,

a relaté Mme Lajeunesse. C'est à ce moment que M. Delisle a dit qu'il n'avait pas tué sa femme.

«Je ne m'attendais pas à ce qu'il me sorte de quoi de même», a-t-elle dit, hier.

Vidéo

Son collègue, Yves Simard, a rendu sensiblement le même témoignage. Il a aussi expliqué que Mme Lajeunesse et lui se sont rendus à l'épicerie fine Roset, à Québec, où le juge disait être allé au moment où sa femme s'était suicidée, entre 9h30 et 10h30, dans leur condo. Ils ont regardé la vidéo du commerce, mais n'ont rien trouvé. Ils se sont rendu compte que la vidéo était à l'heure avancée, alors que l'heure normale était en vigueur. Ils se sont dit qu'ils retourneraient au commerce plus tard. Mais quelques minutes après, ils ont été convoqués à la centrale de police. Ils ont appris que l'enquête allait leur être retirée pour être confiée aux crimes majeurs.

État de santé

Pendant tout l'après-midi, hier, une physiothérapeute et une ergothérapeute ont instruit le jury sur l'état physique de Mme Rainville dans les mois précédant sa mort.

Mme Rainville avait fait, en avril 2007, un accident vasculaire cérébral qui l'avait laissée paralysée du côté droit. En juillet 2009, elle s'était fracturé la hanche droite. Elle avait été opérée deux fois parce que la prothèse s'était déplacée. Elle était très faible et diminuée quand elle est arrivée en réadaptation à l'hôpital du Saint-Sacrement, à la fin du mois d'août. Au début, elle avait besoin de beaucoup d'aide pour les changements de position et le moindre déplacement. Elle a pu acquérir un peu plus d'autonomie, au fil des traitements. Elle a pu marcher avec un déambulateur à assise basse (hemi). Malgré tout, elle n'osait pas se déplacer seule du fauteuil aux toilettes, même si les thérapeutes l'encourageaient à le faire. Elle préférait avoir quelqu'un, a relaté la thérapeute Danielle Marceau. Néanmoins, cette dernière a décrit Mme Rainville comme une patiente très déterminée qui, en dépit de son parcours difficile, offrait une bonne collaboration, et qui a bien progressé. Elle avait un bon moral, bien qu'il y ait eu de moins bons jours, quand elle avait de la difficulté à dormir en raison de spasmes douloureux.

Par ailleurs, le jury a appris que Jacques Delisle allait visiter sa femme régulièrement à l'hôpital, selon Mme Marceau. Pas tous les jours, mais souvent. Il aidait sa femme à faire ses transferts (physiques).

Malgré ses progrès, Mme Rainville restait un cas lourd qui demandait des soins quasi constants. Mme Marceau et une autre employée lui ont suggéré de demeurer en résidence à sa sortie. Cela aurait été moins difficile pour son mari et celui-ci aurait pu la sortir tous les jours, s'il avait voulu.

«Au départ, elle semblait favorable au placement, a relaté Mme Marceau. Puis, elle a été ambivalente. Elle désirait se retrouver dans ses choses.» Finalement, après discussion avec son mari, elle a opté pour un retour à la maison. Elle a quitté l'hôpital à la fin du mois d'octobre, pour rentrer chez elle. Elle est morte 13 jours plus tard.

Le procès se poursuit aujourd'hui, à Québec.