Imperial Tobacco abuse de procédures frivoles pour empêcher les débats sur ses propres documents dans le procès en cours à Montréal, dénonce le juge Brian Riordan.

Imperial Tobacco Limitée (ITL) est l'une des trois sociétés visées par des recours collectifs de plusieurs millions de dollars intentés par des fumeurs et le Conseil québécois sur le tabac et la santé.

Depuis le début du procès, à la mi-mars, ITL s'oppose régulièrement à la production de ses propres documents, sous prétexte que leurs auteurs ne peuvent se présenter pour en établir la véracité. En effet, ceux-ci sont souvent morts...

«Oui sur toute la ligne»

Les avocats des victimes du tabac ont présenté une requête à la Cour demandant que cesse l'obstruction systématique à la production de cinq documents en particulier. Le juge Riordan, qui dirige le procès, leur donne raison.

«La question à laquelle le tribunal doit répondre devient donc à savoir si les dénégations sont manifestement mal fondées, frivoles ou dilatoires ou démontrent de la mauvaise foi ou une utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable. La réponse à cette question n'est pas difficile à reconnaître. C'est un «oui» sur toute la ligne», écrit M. Riordan, dans une décision rendue mercredi après-midi.

«Comment qualifier autrement le refus par ITL d'admettre l'authenticité de documents créés pour la plupart par ses propres cadres et transmis par ses propres procureurs à la partie adverse en vertu de son propre engagement de communiquer tout ce qui est pertinent au débat?

«Et comment qualifier son insistance qu'un témoin vienne déposer sur la question alors que tous reconnaissent que les personnes appropriées sont pour la plupart décédées, si ce n'est pas abusif?»

Ce juge anglophone, qui manie le français avec brio, accuse les avocats d'Imperial Tobacco d'avoir une attitude rétrograde, plus précisément «sièclederniérienne», selon un néologisme de son cru.

«ITL n'avait pas le droit de se lancer dans une guerre d'usure afin de rendre difficile au maximum la production des milliers de documents que les demandeurs voudront déposer en preuve dans ces dossiers», écrit-il.

Il dénonce ce qui lui semble être «des actes de procédure manifestement mal fondés, de la mauvaise foi et, surtout, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable.»

Le premier recours collectif est intenté au nom de 90 000 fumeurs ou ex-fumeurs atteints d'emphysème ou du cancer du poumon, de la gorge ou du larynx. Le deuxième recours est fait au nom des 1,8 million de Québécois dépendants de la cigarette. La réclamation totale se chiffre à 27 milliards, un record au Canada.