Même si les six chefs d'accusation qui pesaient sur elle ont été retenus et qu'elle devra bientôt avoir un procès, Lise Thibault, ex-lieutenant-gouverneur du Québec, continue de laisser entendre qu'elle est une victime.

«J'ai une famille. Toute ma vie, j'ai servi, j'ai accompagné les citoyens [...]. Mais, vous savez, le procès me permettra de le dire, et un jour, j'écrirai mon autobiographie pour que les citoyens sachent comment ces personnes qui ont le courage d'embarquer dans la vie politique ont à payer un prix élevé, sans bon sens», a-t-elle déclaré, hier, au palais de justice de Québec.

Dépenses injustifiées

Au terme d'une longue enquête préliminaire de plus d'un an, le juge Michel L. Auger de la Cour du Québec a retenu les six chefs d'accusation au criminel contre Mme Thibault (deux pour fraude, deux pour abus de confiance, ainsi que production et utilisation de faux documents). Cette enquête est encore marquée d'une ordonnance de non-publication, ce qui nous empêche d'en donner les détails. La date du début du procès devant jury doit être choisie le 28 mai prochain.

«Je regrette la décision du tribunal. Je n'y souscris pas, a réagi Mme Thibault. J'ai toujours agi de bonne foi et travaillé dans l'intérêt des Québécois et Canadiens. Je vous remercie de votre discrétion pendant toute cette période où j'ai respecté comme simple citoyenne les lois de mon pays.»

Dans leur rapport commun, les vérificateurs généraux du Québec et du Canada avaient relevé que durant son règne, de 1997 à 2007, l'ex-représentante de la reine au Québec a remis aux contribuables une facture de 700 000$ de dépenses injustifiées. Elle avait entre autres organisé pour sa fille une fête à 4000$ au huppé Mount Stephen Club puis refilé la facture aux contribuables en indiquant qu'il s'agissait de l'anniversaire de sa nomination. En commission parlementaire en 2008, elle s'était justifiée en disant que sa famille était «tissée très serré». Elle se faisait aussi rembourser ses filets mignons personnels qu'elle commandait au Bifthèque et le transport de sa voiturette électrique en Floride pour jouer au golf. Elle avait alors fustigé les médias qui rapportaient ses dépenses. «Je prie le ciel de ne pas envoyer en enfer les gens qui viennent briser les humains», avait-elle déclaré.

A-t-elle des regrets aujourd'hui? «S'il y avait des regrets à avoir, on aurait dû m'avertir», a-t-elle répondu hier. Que cela signifie-t-il? Elle a expliqué que si ses réclamations de dépenses étaient injustifiées, «les deux paliers de gouvernement n'avaient qu'à [lui] en faire part».

Un ami qui l'accompagnait, Réal Cloutier, s'est désolé du «comportement des Québécois». «J'accompagne Mme Thibault depuis 10 mois. Je trouve cela déplorable de voir le comportement des Québécois et des Québécoises qui l'insultent, l'injurient en public, la traitent comme une criminelle. Ce n'est pas une criminelle, Mme Thibault. Je pense que le procès va l'aider à passer à autre chose.»

Lors de son enquête préliminaire, Lise Thibault avait demandé à Ottawa de payer ses frais d'avocat. Sa demande avait été refusée.