La mère de Markenzi, adolescent de 16 ans happé mortellement par un chauffard dans le quartier Saint-Michel vendredi dernier, ne décolère pas.

L'auteur présumé du délit de fuite, Éric Richer, a pu recouvrer la liberté, lundi, même si sa feuille de route criminelle est bien garnie. L'homme de 40 ans a notamment vendu de la drogue au profit des Hells Angels.

La poursuite ne s'est pas opposée à ce qu'il recouvre la liberté à certaines conditions. Il a dû déposer une somme de 4500 $, et deux de ses proches ont dû s'engager pour une somme de 30 000 $.

«Y a-t-il deux justices? L'une pour les riches, l'autre pour les pauvres?», se demande Marie-Carmelle Julien. La Presse a rencontré la mère seule de quatre enfants, hier, dans son modeste logement du quartier Saint-Michel.

La mère de famille, qui a quitté son Haïti natal il y a 30 ans, n'a pas dormi depuis le terrible coup de fil reçu dans la nuit de vendredi à samedi. On lui a demandé de se rendre à l'hôpital: son fils venait d'avoir un accident.

L'adolescent de 16 ans aurait été happé par une voiture, vers 23h, au moment où il traversait le boulevard Saint-Michel, près de la rue Denis-Papin, à un jet de pierre de chez lui. L'automobiliste a continué sa route après l'impact, mais il a été retrouvé par les policiers.

«Il a traité mon fils comme un chien. Non, même pas. Si on frappe un chien dans la rue, on s'arrête pour lui porter secours», dit la mère éplorée.

Assise sur le divan du salon aux côtés de proches venus pour la réconforter, la femme, très religieuse, regarde une statue de la Vierge Marie qui trône dans un coin. «Moi, j'ai tout perdu. Lui, il retrouve sa liberté pour 35 000$», dit-elle.

Plus tôt dans la journée, la mère et le fils étaient allés à la Maison d'Haïti pour naviguer sur l'internet. Ils avaient soupé ensemble. Vers 22h, Markenzi est sorti pour aller rejoindre des amis. «Je reviens vite», lui a-t-il dit. À l'hôpital, on lui a remis la chaîne que son fils portait au moment du drame. Hier, elle a tenu à la mettre autour de son cou avant que La Presse ne la prenne en photo.

La mère de famille n'a pas d'argent pour organiser les funérailles. Elle a dû expliquer à sa plus jeune, qui a 7 ans, qu'elle ne reverrait plus son grand frère. «Je ne comprends rien», lui a répondu la petite.

Markenzi a fréquenté l'école secondaire Louis-Joseph- Papineau jusqu'à l'an dernier. C'était un sportif accompli. Il jouait au basketball et s'entraînait au club de boxe de l'Espoir, fondé par des policiers du quartier. Il adorait écrire et écouter du hip-hop.

Hier, des amis de Markenzi ont fabriqué une affiche qu'ils ont collée dans l'abribus situé près du lieu du drame. «RIP Mickey. On t'aime pour toujours», ont-ils écrit. Des gens y ont aussi déposé des gerbes de fleurs.

À la solde des Hells

Éric Richer a été formellement accusé samedi de conduite avec les facultés affaiblies ayant causé la mort et de délit de fuite. Après avoir passé la fin de semaine en prison, il a pu recouvrer la liberté hier. D'ici à son procès, il n'a plus le droit de conduire un véhicule ni de consommer de l'alcool. Il doit aussi respecter un couvre-feu.

«Il s'agit d'une histoire triste pour tout le monde», a indiqué l'avocat de Richer, Me Pierre Panaccio, à sa sortie de la salle d'audience.

En 2003, Richer avait été arrêté en même temps que le caïd Steven Bull Bertrand dans le cadre d'une opération policière antimotards. Il faisait partie du réseau de distribution de cocaïne de Bertrand, trafiquant de drogue proche de l'ancien chef des Hells Angels, Maurice Mom Boucher. Richer a des antécédents judiciaires en matière de trafic de stupéfiants, de gangstérisme et de voies de fait, notamment.

Photo fournie par la famille

Markenzi Julien-Auguste