Un dirigeant à la retraite d'une compagnie de cigarettes a dit ne pas se rappeler des détails concernant des documents de recherche qui ont été détruits pendant son règne, pas plus que les raisons justifiant cette décision.

La mémoire de Roger Ackman, âgé de 73 ans, était défaillante alors que des avocats lui soumettaient des documents confidentiels de la compagnie de tabac qui exposaient clairement les conséquences néfastes sur la santé auxquelles les fumeurs s'exposent.

M. Ackman, qui était autrefois vice-président des affaires juridiques pour Imperial Tobacco, a répété à de multiples reprises qu'il ne se rappelait de rien, et qu'il ne pouvait faire de commentaires sur des documents scientifiques.

«Je n'ai actuellement aucun souvenir, monsieur», a-t-il répété à plusieurs reprises, en réponse aux questions du procureur de la poursuite, Gordon Kugler, à propos de diverses politiques et notes de service.

Certains documents portaient sa signature.

M. Ackman avait été appelé à la barre des témoins dans le cadre du procès opposant des fumeurs québécois contre les trois plus grands cigarettiers du Canada, pour quelque 27 milliards $ en dommages et intérêts.

Divers demandeurs disent avoir été induits en erreur par les compagnies de cigarettes à propos des dangers de la cigarette et de la dépendance qu'elle peut créer.

Le recours collectif serait le plus important du genre dans l'histoire du Canada. Il est le premier à impliquer des compagnies de tabac au pays.

En cour, M. Ackman a évoqué des trous de mémoire à plusieurs reprises tandis que les procureurs de la poursuite exhibaient les documents confidentiels de nombreuses compagnies de l'industrie du tabac dans lesquels les effets de la cigarette sur la santé étaient clairement expliqués. Ce sont ces dossiers qui auraient été détruits à Montréal.

L'un des rapports contenait une étude datant de mars 1974 dans laquelle il était indiqué que des tests menés sur des hamsters avaient permis d'identifier le tabac comme un «agent favorisant les tumeurs». Une étude réalisée en 1973 établissait quant à elle un lien entre le tabagisme et l'emphysème pulmonaire.

M. Ackman a attesté ne jamais avoir vu ces documents avant d'ajouter qu'aucun d'eux n'avait été au coeur des discussions menées par les experts d'Imperial Tobacco.

Les documents ont été détruits dans des bureaux canadiens au début des années 1990 et ce, dans un geste sans précédent, au dire de M. Ackman.

En 2006, un tribunal américain avait conclu que la plupart des études avaient été détruites aux États-Unis, au Canada et en Australie. Les documents originaux avaient été transférés en Angleterre pour cacher des preuves et créer des obstacles dans la constitution de preuves. Les documents ont été retrouvés il y a quelques années dans les bureaux de British American Tobacco, en Angleterre.

Quand on a demandé à M. Ackman si les informations reliant le tabagisme à certaines maladies auraient été d'intérêt pour les scientifiques du gouvernement, M. Ackman a répondu qu'il n'avait «pas d'opinion».

Certaines des études, désormais considérées comme des preuves, démontrent que la compagnie était bien au courant des effets des cigarettes sur la santé et ce, même dans les années 1960 et 1970.

Le procès, qui a commencé en mars dernier, pourrait se poursuivre pendant deux ans.