Roger Ackman, avocat qui a longtemps dirigé les services juridiques d'Imperial Tobacco, a admis hier avoir participé à la destruction de rapports de recherche réalisés par l'industrie du tabac sur les dangers de la cigarette pour la santé.

M. Ackman, 73 ans, s'est présenté bien contre son gré à la Cour supérieure de Montréal pour témoigner dans le procès en recours collectif contre Imperial Tobacco, JTI-McDonald et Rothmans/Benson&Hedges.

Il avait tenté d'éviter de témoigner en affirmant qu'il n'avait pas la force physique ou mentale pour le faire. La Cour d'appel a rejeté sa requête. Lorsqu'il est entré, droit comme un chêne, dans la salle d'audience, lundi, il a donné l'impression d'un homme bien portant. Mais il a eu de très nombreux trous de mémoire.

M. Ackman, qui a pris sa retraite en 1999 après 29 ans au service d'Imperial Tobacco comme avocat en chef, a été incapable de dire pourquoi des rapports de recherche avaient été détruits.

Le procureur des plaignants, Me Gordon Kugler, lui a demandé s'il était possible qu'Imperial Tobacco et sa société mère, British American Tobacco (BAT), aient craint que ces rapports aient un mauvais impact s'ils étaient produits devant des tribunaux.

«Se pourrait-il qu'ils prouvent qu'Imperial était bien au courant de la nocivité de son produit, et depuis longtemps? a insisté Me Kugler.

- Je ne sais pas», a répondu M. Ackman.

En revanche, il se souvenait d'avoir embauché Me Simon Potter, avocat montréalais bien connu, pour l'aider dans la négociation d'Imperial Tobacco avec BAT concernant la gestion des documents.

Dans les années 90, Me Potter était l'avocat externe d'Imperial Tobacco. Aujourd'hui, il représente Rothmans dans le procès en recours collectif. Son nom figure dans la liste des témoins qui devront probablement comparaître.

Le nom de Me Potter figure aussi dans un jugement rendu en 2006 par la Cour fédérale des États-Unis. La juge américaine Gladys Kessler a souligné que les avocats, dont Me Potter, avaient joué un rôle central pour détruire des documents qui risquaient de prouver que l'industrie du tabac savait qu'elle vendait des produits causant la dépendance, le cancer et d'autres maladies.

Pendant son interrogatoire, Me Kugler a noté que M. Ackman avait fait venir à Montréal Me John Meltzer, conseiller juridique externe de BAT en Grande-Bretagne, afin de discuter de la destruction de documents. «Me Meltzer devait venir à Montréal et il est venu», s'est contenté de dire M. Ackman.

«Pourquoi des avocats externes ont-ils été impliqués dans la destruction de documents? a demandé Me Kugler.

- Je n'ai pas de réponse à cette question, a répondu M. Ackman. C'était comme ça.»

Un procès-verbal du comité de l'exploitation d'Imperial Tobacco daté du début des années 90, produit hier à la Cour, indique que «R. Ackman a fait état de la révision de ces documents et recommandera leur destruction au département de R&D (recherche et développement)». M. Ackman a nié, hier, avoir ordonné cette destruction au responsable de la recherche d'Imperial Tobacco.

Il a affirmé que ce responsable était opposé à cette destruction. Lui-même ne la souhaitait pas, à moins d'avoir l'assurance de pouvoir garder un accès aux documents. Ils ont été détruits au Canada, mais ils ont été conservés en Grande-Bretagne.

À partir du moment où Imperial Tobacco ne les possédait plus, BAT pouvait espérer que ces rapports de recherche seraient plus difficilement accessibles pour les tribunaux au Canada, ou même aux États-Unis.

L'interrogatoire de M. Ackman se poursuit aujourd'hui au palais de justice de Montréal.