Alors qu'ils jugent «épouvantable» que la Couronne leur ait transmis 6000 pages de preuve censurées à 98% sous prétexte de protéger une enquête ultrasecrète de la GRC, les avocats du clan de Raynald Desjardins confirment qu'ils vont bientôt déposer une «requête en arrêt des procédures» dans le dossier du meurtre du mafieux Salvatore Montagna.

Desjardins, son ami Vittorio Mirarchi, ainsi que Felice Racaniello, Jack Simpson et Calogero Milioto, ont été arrêtés grâce à l'interception de messages BlackBerry par la GRC, qui avait placé les téléphones sur écoute dans le cadre d'une autre enquête.

Depuis leur arrestation, les accusés tentent, comme c'est la norme, d'obtenir les mandats d'écoute électronique et les déclarations justificatives des policiers qui les ont obtenus.

Un représentant de la Couronne fédérale, spécialiste de la mafia, s'y est opposé bec et ongles en expliquant à la cour que ce dossier constitue un cas sans précédent et que cette partie de la preuve devrait absolument rester secrète dans l'intérêt public. Visiblement, la GRC travaillait sur quelque chose de très important lorsqu'elle a intercepté les messages jugés incriminants.

La défense a finalement obtenu le droit à une copie des documents, laquelle devait toutefois être censurée au préalable par la Couronne. Résultat: lors de la transmission de la preuve, hier, presque tout avait été censuré.

«On nous a remis 6000 pages de divulgation sur les écoutes électroniques. J'ai eu le temps de lire 1340 pages. Il y en avait 27 de lisibles», a laissé tomber devant la cour un des avocats de la défense, Me Claude Olivier.

Comme les déclarations sous serment des policiers se répètent habituellement plusieurs fois pour justifier la mise sur écoute de chaque téléphone, tout indique que l'ensemble des 6000 pages conservera plus ou moins cette proportion de 2% de pages lisibles.

«C'est épouvantable», a pesté Me Olivier.

Il a ajouté que les avocats de la défense vont demander l'arrêt du processus judiciaire et la mise en liberté de leurs clients, en soutenant qu'il est impossible pour eux de se défendre si on leur cache une aussi grande partie de la preuve.

Rappelons que Salvatore Montagna, ex-chef par intérim de la famille mafieuse new-yorkaise des Bonnano, a été tué à Charlemagne le 24 novembre dernier. Selon la Couronne, le complot pour son assassinat a débuté le 16 septembre, jour où Raynald Desjardins, lui-même ex-bras droit du parrain Vito Rizzuto, a été victime d'un attentat raté à Laval.