Parce qu'un mécanicien d'un concessionnaire - Gabriel Volkswagen - s'est gravement brûlé en utilisant une pompe artisanale, la responsabilité criminelle est retombée sur le gérant de service, Mark Hritchuk.

Sept ans après ce malheureux accident de travail, M. Hritchuk devait commencer à être jugé devant jury, hier, à Montréal, sous deux accusations de négligence criminelle ayant causé des blessures. Mais à la 11e heure, après discussions entre les deux parties, l'affaire s'est plutôt réglée devant juge seul, à la Cour supérieure. L'homme de 54 ans a plaidé coupable à une accusation réduite d'avoir causé des blessures.

Les faits se sont produits le 10 février 2005, chez ce concessionnaire de la rue Dollard, à LaSalle, alors qu'il fallait retirer l'essence d'un réservoir pour effectuer une réparation. La pompe servant à faire cette opération (gaz guzzler) était brisée depuis des années. À la place, les mécaniciens se servaient d'une pompe que l'un d'eux avait fabriquée. L'engin avait été utilisé plusieurs fois auparavant sans problème. Mais ce jour-là, un subit reflux d'essence, les vapeurs et une étincelle provenant du chargeur ont transformé le mécanicien Alain Daoust en torche humaine. Il a été brûlé aux deuxième et troisième degrés sur le haut du corps, à partir de la taille. Un autre mécanicien a subi des blessures plus légères à une main.

Alors que le procureur de la Couronne François Allard résumait les faits, hier, le juge Michael Stober avait de la difficulté à voir où se trouvait la responsabilité de M. Hritchuk dans cette affaire. Ce dernier distribuait le travail aux mécaniciens, et se fiait à leur expérience pour l'effectuer. Le mécanicien blessé travaillait depuis 22 ans dans ce garage. En fait, a expliqué Me Allard, ce que l'on reproche au gérant de service, c'est d'avoir péché par omission. Il aurait dû s'assurer que ses mécaniciens travaillaient avec de l'équipement sécuritaire.

Apprécié

M. Hritchuk travaille depuis 1985 au même garage. Il est apprécié par ses patrons, ses employés et ses clients, a fait valoir son avocat, Me Érick Vanchestein, hier. Le procès de M. Hritchuk devait se tenir à l'automne, mais il a été repoussé car son épouse a eu un cancer qui l'a finalement emportée en quelques mois. M. Hritchuk se retrouve veuf, sans enfant. Il n'a pas d'antécédent judiciaire, travaille 55 heures par semaine et s'occupe de ses parents, selon les représentations faites hier. M. Hritchuk reviendra devant le tribunal en juin, pour les représentations sur la peine. Un rapport avant sentence a été demandé, afin d'éclairer la Cour à son sujet.

M. Hritchuk est le premier garagiste à être accusé en raison d'une disposition introduite en 2004 dans le Code criminel. Cet article stipule que celui qui supervise un travail doit prendre des mesures pour éviter qu'il n'en résulte des blessures pour autrui.

Loi du silence

L'entreprise (Gabriel Volkswagen) a pour sa part écopé d'une amende de 15 000$ pour cet accident de travail, au terme d'une enquête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. L'affaire s'est retrouvée en Cour criminelle parce que M. Daoust, la victime, a porté plainte à la police. Lors de l'enquête préliminaire, il avait expliqué que la loi du silence régnait dans beaucoup de garages, et qu'il fallait que ça cesse.

M. Daoust a subi de très nombreuses chirurgies depuis son accident de travail. Incapable de poursuivre sa carrière de mécanicien en raison de ses blessures aux mains, il s'est recyclé dans la conduite de camions.