Étouffé par les dettes? Précarisé par un petit penchant pour les Slaves flamboyantes ou les jeunes Asiatiques? Frustré du peu de reconnaissance de votre employeur? Attention, vous faites partie des cibles classiques pour les recruteurs de taupes, ou «sources humaines», dans le domaine de l'espionnage surtout. C'est aussi l'une des raisons qui peuvent vous inciter à trahir votre organisation de votre propre initiative.

Lorsque vient le temps de dénicher LA taupe, les agents du recrutement devront d'abord établir le profil psychologique des cibles potentielles pour détecter leurs points faibles. Ils sont assistés en cela par des dépisteurs, qui peuvent agir sous le couvert d'un statut diplomatique.

Dans le jargon de l'espionnage, ces points faibles sont résumés par l'acronyme AISE: Argent, Idéologie, Sexe et Ego ou émotion (En anglais: Money Ideology Sex et Ego). Le C, pour chantage ou compromission, peut aussi aller de pair avec le S...

C'est dans l'une de ces lettres que se cache certainement la motivation qui aurait poussé le militaire canadien Jeffrey Paul Delisle à transmettre des secrets militaires aux Russes et l'ex-analyste du SPVM Ian Davidson à tenter de vendre une liste de sources au crime organisé. C'est le policier qui aurait pris l'initiative de prendre contact avec «l'ennemi». Tout comme c'est l'agent de la GRC Gilles Brunet, aujourd'hui mort, qui a offert ses services au KGB dans les années 60 et 70, selon les dires de son contrôleur soviétique.

Argent > L'ex-policier Ian Davidson aurait offert sa liste pour 1 million. À 58 ans, il avait pris une nouvelle hypothèque sur sa maison. Le motif financier est donc une explication plausible.

Le monde de l'espionnage fourmille de cas similaires. Sergei Tretyakov, qui fut chef de mission des espions russes au Canada, est devenu agent double pour le compte de la CIA en 1997 alors qu'il venait d'être muté à l'ONU, à New York. Il a transmis près de 5000 documents ultrasecrets aux Américains ainsi que les noms de plusieurs taupes au Canada. Tretyakov a dit avoir agi par conviction, dégoûté par la situation politique en Russie. Ceux qui l'ont connu ici n'en croient pas un mot. L'homme était connu pour son goût du luxe. Il a touché plusieurs millions de dollars et mené une vie de pacha jusqu'à sa mort subite, en juin 2010.

Idéologie > Rejet du système occidental, pacifisme, souci de l'amitié entre les peuples, autant de prétextes qui ont motivé une cohorte de scientifiques, d'universitaires et autres intellectuels à collaborer avec l'Est au temps de la guerre froide. Le KGB les surnommait les «idiots utiles». À l'inverse, la chute de l'empire soviétique a provoqué une vague de défections et de trahisons dans ses services secrets. Par exemple, le colonel Vladimir Vetrov, alias Farewell (son histoire a été racontée dans un film). Désabusé, considérant le KGB comme une «vieille putain fatiguée», il a collaboré avec la DST (Direction de la surveillance du territoire) française avant d'être arrêté et tué.

Sexe > Le «stratagème de la belle», ou «pot de miel», est l'arme favorite des services secrets asiatiques. Ingénieurs d'une firme aéronautique en visite à Pékin, politiciens canadiens, nombreux sont ceux qui sont tombés dans le honey pot. Anna «Chapman» Kouchtchenko, l'espionne russe arrêtée en 2010 à New York avec d'autres membres de son réseau, aurait abondamment joué de ses charmes, en particulier auprès du milieu de la finance.

Le sexe peut aussi être complété par du chantage, à l'aide de photos ou de vidéos compromettantes.

Ego > La frustration due à une carrière stagnante est l'un des motifs avancés pour expliquer le pire cas de trahison au sein du contre-espionnage américain, celui de Robert Philip Hanssen. Pendant 15 ans, cet analyste du FBI a donné au KGB, puis au SVR, des milliers de documents ultra-secrets en échange de plus de 600 000$ et des diamants. Arrêté en 2001 - il avait lui-même communiqué avec le KGB en 1985 -, il est depuis emprisonné à vie. En URSS/Russie, son geste a entraîné la mort de sources américaines démasquées.