Raynald Desjardins, 59 ans, est le Québécois francophone qui s'est le plus rapproché de la tête de la mafia italienne de Montréal, sans pourtant jamais avoir été un membre officiel de cette organisation criminelle réservée aux gangsters d'origine italienne.

Serveur de cabaret dans ses jeunes années, il a noué très tôt des relations avec la mafia. Sa soeur a épousé Joe Di Maulo, alors très proche de Paolo Violi, homme d'origine calabraise comme lui. Après le meurtre de Violi, Di Maulo a eu l'intelligence de se ranger du côté des nouveaux maîtres siciliens: Nick Rizzuto et son fils Vito.

Dès 1984, Desjardins s'est rendu à Milan, en Italie, avec Vito Rizzuto pour organiser une importation de cannabis du Liban. À la même époque, il a acheté une luxueuse résidence, boulevard Gouin, tout près de la résidence de Vito et de son père Nick Rizzuto, rue Antoine-Berthelet, près du bois de Saraguay. Vito et lui-même ont été accusés d'avoir importé 16 tonnes de haschisch saisies dans une petite île près de Terre-Neuve, mais ils ont été acquittés.

Desjardins a joué un rôle majeur dans le rapprochement entre la mafia et les Hells Angels. En 1993, les policiers ont vu Maurice Mom Boucher remettre une valise à Desjardins dans un parc de l'est de Montréal. Ils ont estimé qu'elle contenait la part des Hells dans l'achat d'une cargaison de cocaïne.

La drogue a quitté le Venezuela au début de l'été 1993. Les trafiquants, se sachant épiés, ont largué plus de 700 kg de cocaïne dans des tuyaux au large de Halifax. Desjardins a été arrêté, puis condamné à 15 ans de prison.

Son séjour à l'établissement Leclerc n'a pas été de tout repos. Il a cherché à imposer son groupe, ce qui a entraîné une vague de violence. Puis, il s'est apparemment trouvé au centre d'un complot pour droguer les employés de la prison. Malgré ses frasques, il était traité comme un pacha. Il disposait d'un ordinateur dans sa cellule. Il a fait restaurer une piste de jogging dans la cour du pénitencier, puis commandé des fruits de mer pour une petite fête. Ébruitée, l'affaire a fait scandale; il a été transféré au pénitencier à haute sécurité de Donnacona.

Après avoir obtenu sa libération conditionnelle, en 2004, il s'est recyclé dans la construction et l'immobilier, en profitant des bons conseils de Jocelyn Dupuis, directeur général de la FTQ-Construction. Officiellement, il dirige toujours les Investissements Lasister et Kane, firme qui avait une participation dans le groupe Samara, spécialisé dans la construction immobilière. Il s'est aussi impliqué dans la société de décontamination Carboneutre, contrôlée par le mafieux Domenico Arcuri.

Un meurtre lui a laissé un goût amer, celui de son ami Giovanni Johnny Bertolo, 46 ans, représentant du syndicat des peintres et prêteur usuraire. À sa libération de prison pour trafic de drogue, Bertolo avait essayé de reprendre son commerce de vente de stupéfiants. Cela ne faisait pas l'affaire de l'équipe qui dirigeait la mafia depuis l'arrestation de Vito Rizzuto. Bertolo a été assassiné en 2005.

Desjardins s'est alors retourné contre cette équipe dirigeante. Mais la police a été plus rapide que lui: elle en a arrêté tous les membres au cours de l'opération Colisée, en 2006, notamment Nick Rizzuto et Francesco Arcadi.

Après une période de flottement, Desjardins s'est uni à quatre hommes pour diriger la mafia: Joe Di Maulo (son beau-frère), Domenico Arcuri (de Carboneutre), Salvatore Montagna (qui venait d'être extradé des États-Unis) et Vittorio Mirarchi (riche homme d'affaires de Sainte-Adèle). Cette unité a rapidement volé en éclats, avec d'un côté les Siciliens Arcuri et Montagna, et de l'autre Desjardins et les Calabrais Di Maulo et Arcuri.

Meurtres et tentatives de meurtre se sont succédé. La police vient d'y mettre un terme, du moins pour l'instant. Vito Rizzuto sera libéré à la fin de l'année prochaine. Son retour à Montréal pourrait de nouveau changer la donne.