Un diamant de 85 carats d'une valeur de 16 millions de dollars. Une collection d'oeuvres d'art incluant des tableaux d'Andy Warhol et de Jackson Pollock. Deux Ferrari, autant de Rolls-Royce. Une collection de montres de 5 millions de dollars. Dix-sept immeubles du Vieux-Montréal, dont le LHotel. Les huissiers en étaient estomaqués. Mais l'une des saisies judiciaires les plus spectaculaires de l'histoire du Québec, d'une valeur totale de 150 millions, vient d'être annulée hier par la Cour supérieure. Le débat se poursuit aujourd'hui à la Cour d'appel.

Le cofondateur de Guess Jeans, Georges Marciano, dont la conjointe est d'origine québécoise, vit à Montréal depuis 2009. La même année, il a été condamné par les tribunaux civils californiens à verser 260 millions de dollars à six de ses anciens employés pour diffamation, stress et «désordre émotif». Ne pouvant se faire payer aux États-Unis, ses créanciers ont tenté de faire saisir ses biens d'une valeur de 150 millions à Montréal.

Le 15 décembre dernier, la juge Chantal Corriveau, de la Cour supérieure, a accordé la saisie provisoire des biens sans prévenir M. Marciano (autrement dit en audition ex parte), en raison de l'urgence de la situation. Sa décision a été annulée hier par son collègue de la Cour supérieure, l'honorable Mark Schrager. Celui-ci a annulé la saisie et ordonné la restitution des biens à M. Marciano au motif que les litiges en Californie et sa faillite aux États-Unis sont toujours en appel. Le juge Schrager a aussi conclu que les jugements californiens qui l'ont condamné à payer 260 millions à ses ex-employés ne sont de toute façon pas conciliables avec les principes du droit canadien. «Au Canada, ce type de condamnation (260 millions pour diffamation et stress) est considéré comme contraire à l'ordre public», dit Me Mortimer Freiheit, du cabinet Stikeman Elliott, qui représente M. Marciano.

Originaire de Marseille, en France, Georges Marciano, aujourd'hui âgé de 64 ans, a fondé Guess Jeans en 1981 avec trois de ses frères. Il leur a vendu ses actions dans Guess Jeans pour 240 millions US en 1993. En 2003, il a engagé une Montréalaise, Sasha Romer, comme fille au pair pour prendre soin de ses quatre enfants. Elle est ensuite devenue sa conjointe et lui a fait découvrir Montréal. Depuis 2006, il y a acheté 17 immeubles, majoritairement dans le Vieux-Montréal, pour 80 millions de dollars. Il possède notamment le LHotel, où il habite au dernier étage. L'homme d'affaires a déménagé officiellement à Montréal en 2009, ce qui ne l'a pas empêché de tenter de se faire élire gouverneur de la Californie en 2010. Ses biens sont répartis entre plusieurs entreprises québécoises, une fiducie familiale en Alberta et une fiducie aux États-Unis.

Malgré leur revers d'hier, les créanciers n'ont pas dit leur dernier mot. «Le débat se poursuivra en Cour d'appel», dit Me Bernard Boucher, du cabinet Blakes, qui représente trois des créanciers américains de Georges Marciano. Une requête visant à faire suspendre la décision d'hier et maintenir la saisie des biens de Georges Marciano doit être présentée ce matin en Cour d'appel. Les créanciers ont aussi demandé la faillite de M. Marciano au Canada.