Rona Amir Mohammad, qui a péri noyée à Kingston le 30 juin 2009 avec trois des filles de son mari, était prête à quitter ce dernier pour aller vivre en France. Elle demandait à Mohammad Shafia de lui donner 50 000 $, mais lui ne voulait lui donner que 2 000 $.

C'est ce que Fazel Jawad a raconté alors qu'il témoignait au procès que subissent sa soeur Tooba, son beau-frère Mohammad Shafia, et son neveu, Hamed. Les trois Shafia sont accusés d'avoir tué avec préméditation leurs filles (et soeurs pour Hamed) Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, Geeti, 13 ans, ainsi que Rona, 53 ans, première épouse de Mohammad.

Natif de Kaboul, Fazel Jawad a quitté l'Afghanistan en raison de la guerre et vit depuis une quinzaine d'années en Suède. Il est venu expressément de Suède pour témoigner au procès qui se déroule actuellement à Kingston.  L'épine dorsale de son récit, est que Mohammad Shafia lui aurait demandé de l'aide en mai 2009, afin de tendre un piège à sa fille aînée, Zainab, pour la noyer en Suède. Ceci parce que la jeune femme enfreignait les règles établies dans la famille.

Fazel Jawad est le frère de Tooba, la deuxième épouse que Mohammad a prise, parce que la première, Rona, ne pouvait avoir d'enfant. Mohammad avait donc deux femmes, comme cela est permis en Afghanistan. Fazel Jawad, qui a six ou sept ans de plus que sa soeur Tooba, a expliqué qu'il s'entretenait régulièrement au téléphone avec cette dernière, de même qu'avec Rona, quand Mohammad Shafia était absent. Les deux femmes lui racontaient leur vie et leurs misères.

En 2009, Tooba avait des problèmes avec sa fille Zainab, qui voulait épouser un pakistanais, alors que Rona était malheureuse dans la famille. Elle trouvait qu'elle n'avait pas d'autorité. «Elle parlait de sa relation avec Shafie (Mohammad), elle disait qu'elle marchait dehors longtemps, qu'elle revenait tard le soir et qu'elle allait directement à sa chambre. Elle appelait d'une boîte téléphonique dans un parc, car elle avait peur que quelqu'un la voie. Elle achetait des cartes de téléphone. Elle avait écrit une lettre à Shafie pour lui dire qu'elle voulait divorcer et avoir 50 000 $», a raconté le témoin. Mohammad aurait répondu qu'il ne pouvait lui donner les 50 000 $, mais était d'accord pour 2 000 $, avec les billets d'avion.

Selon Fazel Jawad, Mohammad Shafia ne voulait pas que Rona contacte les membres de sa famille. Il agissait de même avec sa deuxième épouse, Tooba. «Je ne pouvais même pas embrasser ma soeur ou lui toucher les mains», a dit M. Jawad.

En contre-interrogatoire, les trois avocats de la défense ont tenté de faire ressortir les contradictions dans le récit de Fazel Jawad. Ce dernier a admis qu'il pouvait s'être trompé sur des dates, mais pour l'essentiel, il a maintenu sa position.

Vers 12h30, le jury a commencé à visionner l'enregistrement de la déclaration que Mohammad Shafia a donnée à la police lors de son arrestation pour les quatre meurtres allégués, le 22 juillet 2009. De ce qu'on a vu jusqu'à présent, Mohammad Shafia maintient son innocence, affirme qu'il n'y avait pas de problème dans sa famille, hormis que plusieurs de ses enfants étaient des menteurs.

Le procès se poursuit cet après-midi.