La frappe policière du 19 octobre contre les trafiquants d'Hochelaga-Maisonneuve est presque passée sous silence. L'opération a pourtant permis d'arrêter un important acteur local, Tony «Thunder» Jalbert, décrit comme un individu très violent et à l'origine de plusieurs agressions sauvages dans les derniers temps. Le coup de filet risque aussi de déstabiliser le marché à court terme.

Les policiers ont peut-être bien fait de passer à l'action, car un terrifiant arsenal a récemment été saisi dans des piqueries. Des armes de poing, gros calibres et fusils mitrailleurs susceptibles de faire un carnage et qui illustrent à quel point l'inspecteur d'unité François Cayer est assis sur une poudrière. «Ça ne fait pas les manchettes, mais c'est inquiétant de savoir que ces armes sont en circulation», admet M. Cayer.

Jalbert, 47 ans, avait été arrêté en juin dernier, lors d'une précédente rafle policière contre les piqueries, en marge du projet Éclaircie. L'enquête de La Presse a par hasard coïncidé avec ce coup de filet. Cela nous a d'ailleurs permis de mettre en lumière les premiers symptômes de cette frappe dans le milieu interlope du quartier.

Dix-huit individus, dont Jalbert, ont été arrêtés et accusés au terme du projet Enragé. Près de 1 kg de cocaïne, 72 roches de crack, de la marijuana, du haschich et près de 120 000$ en argent liquide ont été saisis. Une petite quantité de crack et un pistolet électrique de type Taser ont été trouvés chez Jalbert, sur qui pèsent sept chefs d'accusation, dont un de complot.

Il dirigeait apparemment l'équipe «des bras», des sbires chargés de faire régner l'ordre dans le trafic de stupéfiants et dans les piqueries. Ses méthodes violentes et peu orthodoxes ont eu pour effet d'attirer l'attention sur lui. Il serait aussi derrière la récente tentative de meurtre d'un homme poignardé en plein jour dans un parc.

Jalbert, ancien membre des Rock Machine, avait également été arrêté en janvier dernier pour avoir menacé un policier. Il serait proche de Salvatore Cazzeta, ancien chef des Rock Machine qui a récemment recouvré la liberté avec 31 accusés du projet SharQc.

Dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, tous les consommateurs et les prostituées interrogés au fil de notre reportage ont dit connaître «Thunder».

Le jour même de l'opération policière, la nouvelle de son arrestation avait déjà fait le tour des piqueries visitées. Quelques filles ont affirmé éprouver plus de difficulté à se procurer de la drogue et une des piqueries les plus populaires, le 391, était presque déserte, faute de stupéfiants.

Selon la police, l'arrestation de Jalbert aidera peut-être à poser le couvercle sur une marmite qui commençait à bouillir.

Jusqu'à ce qu'un autre prenne sa place.

Environ 75 femmes se prostituent dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, sans compter le nombre de travailleuses du sexe de «fin de mois», estime la police. Si ces femmes, la plupart toxicomanes, arpentent les trottoirs, c'est parce que des clients sont au rendez-vous pour faire rouler le plus vieux métier du monde. Depuis quelques années, les policiers ont mis de l'avant le projet Cyclope, qui encourage la population à dénoncer les automobilistes sollicitant les travailleuses du sexe. Les gens peuvent fournir à la police toutes sortes de renseignements, notamment le numéro d'immatriculation des véhicules des clients, en remplissant un formulaire en ligne (www.spvm.qc.ca/pdq23).

Les policiers se chargent ensuite d'envoyer une lettre ou d'appeler les clients à la maison, ce qui a habituellement un fort effet dissuasif.