Une personne sur six seulement est envoyée derrière les barreaux pour avoir cultivé des plants de marijuana, selon une étude nouvellement publiée du ministère fédéral de la Justice.

Les conclusions de l'étude suggèrent que les peines minimales prévues par le projet de loi omnibus des conservateurs sur la criminalité augmenteraient de façon draconienne le nombre d'individus incarcérés pour avoir exploité des installations de culture de marijuana.

Le projet de loi C-10, qui fait l'objet d'un examen d'un comité des Communes, prévoit l'imposition d'une peine de six mois de prison pour quiconque cultive entre six et 200 plants de marijuana. Les périodes minimales augmentent à coup de deux ans pour des quantités supérieures, et sont encore plus sévères en cas d'utilisation de locaux loués.

Le ministère de la Justice a examiné différentes affaires impliquant des exploitations à l'intérieur d'habitations en Colombie-Britannique, Alberta et Ontario entre 1997 et 2005. Cette étude a été qualifiée d'unique en raison de son caractère multi-juridictionnel et des dossiers criminels provenant des bases de données des policiers. Les cas ont été sélectionnés au hasard parmi l'ensemble des poursuites de cette nature déposées au cours de la période de huit ans.

Entre autres conclusions, les chercheurs ont souligné qu'une poignée seulement des 415 personnes condamnées pour un tel crime avaient véritablement été envoyées en prison.

Amende

L'étude, complétée le 30 mars dernier, souligne que la sentence la plus fréquente dans ces cas était l'imposition d'une amende (39 pour cent), suivie d'un emprisonnement avec sursis (35 pour cent) et d'une incarcération (16 pour cent).

Le document mentionne également que dans neuf cas sur dix, la condamnation était le résultat d'un plaidoyer de culpabilité et non d'une décision de la Cour.

Les détracteurs de la clause sur les peines minimales ont argué que les accusés auraient davantage tendance à s'opposer aux accusations de culture de marijuana et autres en cour si la peine d'emprisonnement devient un impératif. Une telle réaction risquerait d'embourber encore davantage le système de justice canadien, déjà surchargé.

L'étude indique aussi que le nombre d'individus envoyés en prison pourrait être multiplié par cinq dans le cadre d'un régime prévoyant des peines minimales, qui priverait par ailleurs le juge de son pouvoir discrétionnaire.

Certains experts légaux ont de leur côté affirmé que la discrétion serait simplement transférée aux procureurs de la Couronne, qui déterminent la nature des accusations portées, ce qui pourrait éviter l'arrivée massive de cultivateurs de marijuana dans les prisons.

La Presse Canadienne a obtenu copie de cette étude en vertu de la Loi d'accès à l'information.

Une porte-parole du ministère de la Justice a toutefois précisé que ce document n'était pas lié au projet de loi omnibus sur la criminalité, qui était au coeur de la plateforme électorale du Parti conservateur aux élections fédérales du 2 mai.

Carole Saindon a écrit dans un courriel que l'étude avait été menée dans le cadre d'une série de rapports sur la législation des substances illicites, et non pas à titre informatif pour le débat sur le projet de loi C-10.