Julien Labrie soutient qu'il n'a aucun souvenir d'avoir tué un sans-abri endormi sur un banc public, il y a deux ans. Ni d'avoir montré l'oreille de sa victime à son beau-père. Il estime que c'est la drogue qu'il aurait consommée en grande quantité la veille de l'agression qui l'aurait poussé à agir ainsi.

Son témoignage, hier, au premier jour de la preuve de la défense, comportait plus de trous de mémoire que celui livré au cours de l'interrogatoire policier, il y a deux ans.

«Je ne suis pas le genre de gars à attaquer personne», a dit le jeune homme de 23 ans, hier, au palais de justice de Montréal. Ce résidant de Sept-Îles est accusé du meurtre non prémédité d'Éric Tremblay, 43 ans, trouvé sans vie, la gorge tranchée, au square Viger le 26 juin 2009.

Les propos tenus par l'accusé lors de cet interrogatoire policier peuvent paraître «étonnants», mais les témoins de la défense tenteront d'y apporter des explications, a expliqué aux jurés l'avocate de Labrie, Me Annie Émond, lors du résumé de sa preuve.

Julien Labrie a bien tué le sans-abri, reconnaît la défense. Il s'agit maintenant de déterminer dans quel état mental il était à ce moment-là. La psychiatre Marie-Frédérique Allard et le pharmacologue Claude Rouillard viendront témoigner à la demande de la défense.

Au cours de son interrogatoire, Labrie avait avoué aux policiers qu'il avait tué un homme au hasard pour impressionner les filles qui préfèrent les mauvais garçons. Il se souvenait d'avoir poignardé Éric Tremblay sans même le regarder et avait précisé que tout s'était déroulé en quelques secondes.

Hier, questionné par son avocate, il a plutôt parlé d'un «black-out». Il se souvient d'être sorti de l'hôtel où il séjournait avec ses parents, au centre-ville, puis de s'être retrouvé dans le Vieux-Port. «Les images que j'ai après ça... J'ai du sang sur moi. Je me dis que je me suis fait attaquer», a-t-il raconté.

Au cours de son témoignage, hier, l'accusé s'est tourné à plusieurs reprises vers les jurés pour les regarder dans les yeux. «Lors de l'interrogatoire, il y a beaucoup de choses que je dis où je sais que j'étais décollé de la réalité», a-t-il insisté.

L'accusé était arrivé à Montréal la veille de la Saint-Jean avec sa mère et son beau-père pour y passer quelques jours de vacances. Cela faisait un an qu'il ne touchait plus à la drogue, alors qu'il en consommait depuis l'enfance. Le 24 juin, il a rechuté en compagnie d'autres fêtards au parc Maisonneuve. Il a partagé un joint de haschisch avec eux.

Le lendemain, il s'est brouillé avec ses parents parce qu'ils ne voulaient pas aller déjeuner au restaurant qu'il proposait. «Je me suis senti mal, abandonné, à part, vulnérable», a raconté celui qui consulte des psychologues depuis son enfance en raison du suicide de son père lorsqu'il avait 2 ans.

Cet après-midi-là, il dit avoir acheté trois «roches» à un vendeur au centre-ville, puis trois autres à un autre vendeur. Il est ensuite rentré à l'hôtel et est ressortir en soirée pour se procurer encore plus de drogue. Il s'est finalement couché le 26 juin au matin et ne s'est réveillé qu'en fin d'après-midi.

Questionné par son avocate sur la nature de cette drogue, il a répondu de façon vague qu'il s'agissait de «morceaux» jaune, blanc et gris. «Je n'avais jamais consommé de quoi aussi pire que ça.»

Du feu dans le dos

Le soir du 26, il a accompagné ses parents au cinéma. Or, une fois là-bas, il a éprouvé un malaise. «J'ai l'impression que je vais mourir. Je me sens mal», a-t-il décrit. Il s'est ensuite promené au centre-ville. Puis, c'est le «black-out».

À l'hôtel, quand il a vu le sang sur lui, il a cru que c'était lui qui avait été victime d'une tentative de meurtre, a-t-il raconté au jury. Le 27 au matin, lorsque ses parents ont décidé de l'amener au poste de police, il s'est mis à paniquer, en proie à des hallucinations. Les cheveux d'un des policiers qui l'ont arrêté se sont mis à s'illuminer, a-t-il raconté aux jurés.

L'accusé dit que les hallucinations n'ont pas cessé depuis. Il y a un mois à peine, il a eu l'impression qu'un codétenu lui lançait du feu dans le dos avec son doigt. Il ne prend aucun médicament, seulement des vitamines, a-t-il précisé.

L'accusé sera contre-interrogé par la poursuite aujourd'hui.