«Cette personne est tout sauf une légende. Je suis contre le fait qu'on évoque même son nom. Ça me sidère.»

Cette personne, c'est Kimveer Gill, l'auteur de la fusillade du collège Dawson. L'homme qui prononce ces paroles est Denis Côté, le policier qui a touché par balle le tueur en ce début d'après-midi de septembre 2006.

Cinq ans plus tard, les souvenirs de cette journée sanglante sont toujours frais dans la mémoire des cinq agents de la police de Montréal qui ont neutralisé le tireur dans la cafétéria de l'école, où régnait le chaos. Nous nous sommes entretenus avec deux d'entre eux.

Au poste de quartier no 22, l'agent Denis Côté n'a pas encore pris une bouchée de son dîner lorsque la fusillade éclate. Il saute dans sa voiture et fonce vers le collège. Une fois à l'intérieur, il s'adapte. Très rapidement. «On n'a pas le temps de penser à notre famille. On se dit que c'est à nous d'arrêter ça, sinon qui va le faire?», raconte le policier de 47 ans, qui compte 24 années de service.

Tout s'est fait vite. Il s'est retrouvé sur une mezzanine dans la cafétéria. Il y rejoint un confrère pris pour cible par le tireur fou, qui vient d'abattre Anastasia De Sousa et de prendre deux autres élèves en otages. Les coups de feu résonnent.

Soudain, le tireur, jusque-là protégé par un mur et ses otages, se découvre un peu. L'agent Côté fait feu. Deux fois. Les otages s'échappent. Le tueur se suicide.

Denis Côté dit qu'il n'est pas traumatisé par ces événements pourtant peu banals, même pour un policier. «Je ne suis pas marqué au fer rouge, parce que notre travail n'a pas été critiqué», explique-t-il.

Au contraire, même, puisque la rapidité de l'intervention policière a probablement empêché ce qui s'annonçait comme un carnage terrible. Les tueries de Virginia Tech, d'Oslo et autres se chargent constamment de le rappeler au policier. «Mais la présence de deux de nos policiers à l'école au début de la fusillade était providentielle, nuance l'agent Côté. Il y aura d'autres pages d'histoire comme celle-là et on n'aura pas toujours cette providence.»

Avec le temps, l'agent Côté a réalisé que les gens ont fait de lui - et malgré lui - l'un des principaux acteurs de l'affaire. «J'essaie de ne pas individualiser le drame. On a tous bien joué notre rôle, et je dis aux autres policiers qu'ils seront peut-être les acteurs d'autres événements du genre.»

S'il a régulièrement une pensée pour Anastasia De Sousa, l'agent Côté s'est efforcé d'effacer le tueur de sa mémoire. «Je l'ai tassé de ma tête. Mon rôle était d'agir...»

Pour le commandant du poste de quartier no 5, Martin Dea, le 13 septembre est avant tout une journée de recueillement. «J'ai toujours une pensée pour la famille De Sousa, mais aussi pour le courage des policiers impliqués ce jour-là», raconte l'homme de 44 ans, à l'époque superviseur au PDQ 23.

Il est l'un des premiers à avoir répondu à l'appel de renfort des policiers qui se trouvaient déjà au collège. Après avoir foncé à l'intérieur de l'école, arme au poing, il rejoint deux confrères pour ensuite échanger des coups de feu avec le tireur, protégé par un mur. Ces images sont encore gravées dans sa tête. «J'ai tourné la page, mais l'actualité me la rappelle. Je vais toujours me souvenir du chaos», explique-t-il. Mal à l'aise de parler de «succès», il salue la rapidité de l'intervention des policiers et surtout l'adoption de la «loi Anastasia», en 2008, qui interdit d'entrer dans un établissement d'enseignement avec une arme. «Je remercie encore le SPVM d'avoir misé sur la formation et d'avoir raffiné ses méthodes d'entraînement depuis Polytechnique», résume le commandant Dea.

En 1989, les policiers qui se trouvaient à l'École polytechnique n'étaient pas équipés et n'avaient pas été autorisés à y entrer. «On a toujours gardé une crotte sur le coeur à cause de Polytechnique. Le dénouement de Dawson a soulagé plusieurs policiers», laisse tomber Denis Côté.