Cinq ans après la tragédie de Dawson, les parents d'Anastasia De Sousa n'ont toujours pas touché sa chambre. Les meubles n'ont pas bougé et les murs ont gardé leur teinte rose «gomme balloune».

Sarah, sa soeur cadette, y dort depuis quelques mois. Sur la commode, elle a déposé sa photo de fin d'études à côté de celle d'Anastasia. «C'est comme si elles passaient encore du temps ensemble», raconte son père Nelson.

Même si les De Sousa estiment avoir retrouvé un semblant de vie normale, la présence d'Anastasia se fait sentir partout à l'intérieur de leur bungalow de Laval. La casquette et le bandeau roses qu'elle portait lorsque Kimveer Gill a déchargé une dizaine de balles dans son corps, le 13 septembre 2006, trônent à l'entrée du vestibule. Des photos de son bal de fin d'études, où elle porte fièrement une robe munie d'une grande crinoline de tulle, sont exposées un peu partout dans le salon. C'est dans cette robe «de princesse» qu'elle a été enterrée quelques mois plus tard.

«On n'a pas effacé sa présence ici. Il n'est pas question de la mettre de côté, de la ranger dans un petit coin sombre», a expliqué Nelson De Sousa, qui nous a reçus chez lui quelques jours avant le cinquième anniversaire de la tragédie.

Nelson et Louise De Sousa ne prononcent jamais le nom de Kimveer Gill. Ils le nomment le «tueur». La mère de Gill a déjà présenté ses excuses aux De Sousa à travers les médias et fait part de son désir de les rencontrer. Lorsque le sujet est abordé, leurs traits se durcissent.

«Moi, ça ne me donne rien, ça ne me remettra jamais ma fille. À mon avis, elle aurait dû prêter davantage attention à l'état dans lequel se trouvait son fils. Il se passe des choses dans toutes nos familles, il faut s'ouvrir les yeux», dit Mme De Sousa.

Apprivoiser la douleur

Il a fallu quatre ans avant que les De Sousa ne «digèrent» la fusillade qui a coûté la vie à Anastasia, alors âgée de 18 ans. «Je pense que cette année, c'est la première année où on s'adapte, où la douleur est moins intense, affirme Louise De Sousa. L'an dernier, après quatre ans, j'ai finalement réussi à passer au travers de son linge... On va repeindre la chambre aussi, mais on veut garder une section rose en son honneur.»

Ce que les parents d'Anastasia De Sousa ne digèrent toujours pas, c'est que le premier ministre Stephen Harper refuse de les rencontrer pour discuter du dossier du contrôle des armes à feu. Un mois et demi après la fusillade, une délégation composée d'employés de Dawson, de victimes et de leurs proches s'était rendue à Ottawa pour parler à Stephen Harper. Un rendez-vous avait même été fixé.

«Lorsqu'on est arrivés au parlement, on nous a dit que le premier ministre était parti en Europe. On comprend qu'il peut y avoir une urgence, mais lorsque le caucus conservateur au complet s'est reviré de bord et nous a tourné le dos, c'était inacceptable, raconte M. De Sousa. Les conservateurs nous ont claqué la porte au visage. Je ne l'oublierai jamais.»

Durant les deux années qui ont suivi, Nelson et Louise De Sousa n'ont pas su exactement ce qu'il s'était produit le 13 septembre 2006, en raison de l'enquête policière qui suivait son cours.

Pour la famille, ce fut un choc d'avoir les conclusions du rapport du coroner quelques heures, voire quelques minutes avant les médias. «Nous avons attendu deux ans pour avoir quelque chose. Dès qu'on a eu les détails, ils ont dit que le public allait tout de suite tout savoir. C'est alors qu'on s'est dit: mais c'est à qui, la fille? À nous ou au public?», s'interroge le mécanicien.

En rencontrant le coroner, Mme De Sousa a toutefois été apaisée d'entendre que sa fille était morte après que l'une des deux premières balles tirées se fut logée dans son coeur. «Lorsque le tueur est retourné vider son arme à feu dans elle, elle était déjà partie. Ça nous a vraiment soulagés. Je me suis toujours demandé si elle avait souffert ou si elle nous avait appelés. On ne savait rien jusqu'à ce moment-là.»

Après cinq ans de deuil vécu dans l'intimité, Louise De Sousa a décidé de passer à l'action. Depuis quelques mois, elle planche à l'organisation d'une soirée-bénéfice pour la Fondation de l'Hôpital général pour enfants, où Anastasia a été traitée pour une scoliose et des problèmes d'asthme. Le but: amasser 100 000 $ dans le but d'obtenir une chambre au nom d'Anastasia dans le nouvel hôpital. Le premier ministre Jean Charest sera présent à la soirée qui se déroulera le 24 septembre à Anjou.

Pour plus de détails sur la soirée-bénéfice, consultez le www.mypinkangel.com