Critiquant durement les méthodes des autorités brésiliennes qui ont conclu au suicide d'Arturo Gatti, neuf experts embauchés par l'ancien gérant du boxeur sont convaincus qu'il s'agit plutôt d'un meurtre.

Au cours d'une conférence de presse de plus de trois heures donnée dans un gym de boxe du New Jersey, ces experts ont expliqué pourquoi l'ancien champion du monde ne pouvait pas s'être pendu avec une courroie de sac à main comme les enquêteurs brésiliens l'ont conclu.

Présentation 3D et photos du cadavre à l'appui, les experts ont tour à tour mis en lumière ce qu'ils croient être des lacunes dans l'enquête brésilienne.

La veuve du boxeur, Amanda Rodrigues, est un «sujet d'intérêt, d'extrême intérêt», a souligné l'enquêteur privé Paul Ciolino, qui a enquêté avec son collègue Joseph Moura durant 10 mois au Brésil, au Canada et aux États-Unis.

Le boxeur a été tué «parce que 6,5 millions de dollars dormaient dans un compte bancaire au New Jersey», a décrit M. Ciolino, très en verve. Amanda Rodrigues «avait un plan, et ce plan a mené à la mort d'Arturo Gatti».

L'enquête, qui aurait coûté environ 1 million de dollars, a été payée en grande partie par l'ancien gérant de Gatti, Pat Lynch.

Le champion boxeur a été trouvé mort en juillet 2009 dans l'appartement qu'il louait alors qu'il était en vacances dans une station balnéaire brésilienne avec sa femme et son fils de 10 mois, Arturo Jr. Il avait 37 ans.

Arturo Gatti a été frappé à la tête puis étranglé alors qu'il se trouvait dans cet appartement, selon un expert légiste, Brent Turvey.

Ce soir-là, des témoins ont vu le couple se disputer violemment en pleine rue à la sortie d'un restaurant. Certains ont même lancé des pierres au boxeur pour le forcer à fuir.

Or, une «lacération» observée à l'arrière de la tête du boxeur (et prise en photo) est incompatible avec cet incident, croit M. Turvey, dont l'opinion est corroborée par un expert médical, le Dr Stanley Zydlo.

Ce genre de blessure se met à saigner «immédiatement et à profusion», ont-ils expliqué. Si le boxeur avait été frappé avant de pénétrer dans l'appartement, il y aurait eu du sang un peu partout sur le plancher. Or, il n'y avait pas de traces de sang autres que la grande flaque dans laquelle baignait le corps à l'arrivée de la police.

Cette «contusion-lacération» a été causée par un coup à la tête que le boxeur a reçu «peu de temps» avant d'être étranglé, a renchéri un troisième expert, le pathologiste Cyril Wecht, qui n'a toutefois pas assisté aux autopsies.

Amanda Rodrigues était la seule autre adulte dans l'appartement, cette nuit-là, ont insisté les experts. La veuve a dit aux policiers que, vers 6 h, elle est descendue à la cuisine chercher du lait pour son bébé. Elle a alors vu son mari qui gisait sur le sol, mais elle a cru qu'il était ivre et qu'il dormait. Elle n'a pas vu de sang. Elle a alerté la police vers 9 h.

Le boxeur, qui pesait 155 lb (70 kg) n'aurait jamais pu se pendre avec la courroie de sac à main trouvée dans le logement, a indiqué pour sa part le Dr Alfred Bowles, ingénieur et physicien. Testée avec un poids de 77 lb, la courroie s'est rompue en moins de cinq secondes.

De plus, la position dans laquelle a été trouvé le corps, la tête sous le plan de travail de la cuisine, ne correspond pas à la théorie des Brésiliens selon laquelle le boxeur se serait perché sur un tabouret pour se pendre à un barreau de l'escalier. Le Dr Bowles a fait la démonstration de sa théorie à l'aide d'une simulation 3D.

Les experts reprochent aux Brésiliens de ne pas avoir analysé certains éléments de preuve, comme des serviettes ensanglantées trouvées près du corps du boxeur. «C'est inexcusable», a lancé Stephen Moore, agent spécial du FBI à la retraite.

De plus, on n'a pas analysé le sang du défunt pour vérifier s'il y avait des traces d'alcool, déplorent ces experts. Concernant l'autopsie pratiquée au Brésil, un «élève de première année de médecine» aurait fait mieux: elle est «horriblement incomplète», selon le pathologiste Cyril Wecht.

Tous ont plaidé pour la réouverture de l'enquête au Brésil. L'avocat brésilien de la famille Gatti, Eduardo Trindade, a pour sa part bon espoir que leurs conclusions convaincront le procureur de l'État de porter des accusations contre la veuve.

Les enquêteurs privés américains n'ont pas attendu le dévoilement des résultats de la seconde autopsie, pratiquée au Québec. «Ça ne changerait rien. Les Canadiens n'ont pas fait l'analyse de la scène de crime. Ils ont analysé le corps», a lancé M. Ciolino aux journalistes canadiens.

En septembre 2009, La Presse a révélé que cette seconde autopsie, pratiquée au Laboratoire de sciences judiciaires à Montréal, confirmait que le boxeur était bel et bien mort pendu, et non étranglé. Les signes de pendaison étaient évidents lors de cet examen, selon ce qu'avait pu apprendre le journaliste André Noël.

Les autorités brésiliennes ont d'abord soupçonné Mme Rodrigues, puis l'ont relâchée. Celle-ci est actuellement à Montréal pour le procès civil sur la succession de Gatti qui l'oppose à la famille de l'ancien champion du monde.

«Je n'ai jamais cru qu'il s'était suicidé», a dit Erika Rivera, ex-conjointe du boxeur et mère de sa fille Sofia, âgée aujourd'hui de 5 ans. Comme plusieurs proches du défunt, la femme de 32 ans a tenu à assister à la conférence de presse.

Quant au frère aîné d'Arturo, Joe - le seul de la famille qui ait adhéré à la thèse du suicide, et qui avait évoqué le mode de vie autodestructeur de son frère -, il brillait par son absence, hier, alors qu'il vit au New Jersey.

«Notre famille n'est pas divisée sur cette question. Joe a toujours fait bande à part. Ce n'est pas différent aujourd'hui», a dit à La Presse la nièce d'Arturo Gatti, Jeannie Hilton (fille d'Anna-Maria Gatti et du boxeur Dave Hilton), présente à la conférence de presse.