Une gifle au visage aurait « vraisemblablement » suffi à tuer la jeune Nouténé Sidimé.

C'est la conclusion à laquelle en est venu le pathologiste André Bourgault, chargé de faire l'autopsie de l'adolescente de 13 ans.

Le médecin a témoigné, mercredi, à l'enquête préliminaire de Moussa Sidimé,  père de la jeune fille, au palais de justice de Longueuil.

Au terme de l'exercice, le juge Richard Marleau a déterminé qu'il existait suffisamment de preuves pour tenir un procès. D'abord accusé de voies de fait graves, Moussa Sidimé sera finalement jugé sous l'accusation d'homicide involontaire coupable.

Le 6 octobre dernier, Moussa Sidimé a giflé sa fille à deux reprises en plus de lui asséner une tape sur les fesses. La raison: un plancher mal lavé. L'homme a ensuite quitté la cuisine pour se rendre au salon de leur logement de Longueuil.

Quelques minutes plus tard, il a entendu un bruit de chute provenant de la cuisine. Il a alors découvert sa fille inconsciente, gisant sur le plancher. Il a immédiatement téléphoné au 911. L'adolescente a été transportée à l'hôpital Charles-LeMoyne pour ensuite être transférée à l'Hôpital de Montréal pour enfants, où elle a été maintenue en vie artificiellement pendant trois jours. Dans une longue déclaration vidéo, le père de famille admet, en pleurs, avoir giflé sa fille parce qu'il était insatisfait du ménage, a résumé la procureure de la Couronne, Me Julie Beauchesne.

Le corps de la victime ne portait pas de marques de violence, hormis une lacération à la lèvre qualifiée de «minime» par le pathologiste.

Le décès de la victime est dû à «une hémorragie sous-arachnoïdienne massive qui s'est accompagnée d'oedème cérébral, de détresse respiratoire et de choc», a conclu le Dr Bourgault. En d'autres termes, elle a succombé à une hémorragie cérébrale, «vraisemblablement» causée par la rupture d'une artère vertébrale. Celle-ci a pu être provoquée par un mouvement brusque du cou causé par la gifle elle-même ou par un mouvement réflexe pour tenter de l'esquiver.

Le pathologiste est demeuré prudent dans ses conclusions puisqu'il n'a pas réussi, lors de l'autopsie, à localiser le point de rupture de l'artère. «Dans 40 % des cas, on n'est pas capable de démontrer la rupture puisque la dissection de cette région est difficile», a-t-il expliqué au tribunal.

«Vous n'êtes pas 100 % certain», lui a fait remarquer l'avocate de défense en contre-interrogatoire. «J'y suis allé par élimination», a répondu le pathologiste. Les autres hypothèses - présence d'un anévrisme ou d'une malformation vasculaire - ont ainsi été écartées après l'autopsie.

«Peut-elle s'être frappé la tête sur le comptoir de la cuisine?», a poursuivi la défense. «Ce n'est pas exclu. Par contre, ce genre de rupture (d'artère) est davantage associé à des coups qu'à des chutes. Ce n'est pas l'hypothèse que je privilégie», a répondu le médecin, très calme.

La poursuite a modifié l'acte d'accusation le 28 juin dernier après avoir reçu le rapport du Dr Bourgault. «Ce genre d'événement est rare, mais bien décrit en pathologie judiciaire», conclut le médecin dans son rapport de six pages déposé en preuve.

En liberté durant le processus judiciaire, l'accusé de 72 ans arborait des lunettes fumées lorsqu'il est entré dans la salle d'audience. Il était accompagné de deux membres de sa famille.

«Ce qui est arrivé est accidentel. Qu'une gifle cause la mort, j'en apprends tous les jours», a dit son avocate, Me Marie-Josée Duhaime, à sa sortie du tribunal. Sans vouloir en dire davantage, l'avocate a annoncé qu'elle présenterait une contre-expertise au cours du procès qui se déroulera devant un juge de la Cour du Québec à une date qui n'est pas encore fixée.

Guinéen d'origine, Moussa Sidimé est un architecte de renom. Il a notamment été architecte principal pour la Banque africaine de développement avant d'exercer aussi au Canada, selon sa famille.

«Pour le père, c'est une sentence à vie, peu importe ce qui va arriver, a dit l'avocate de défense. Son bébé est mort.»