Dans les saunas gais, les rapports sexuels non protégés entre inconnus sont des pratiques courantes. Du coup, ceux qui les fréquentent consentent de manière «implicite» ou «tacite» à courir le risque de contracter le VIH.

C'était la défense de James Wilcox, un porteur du VIH accusé d'agression sexuelle grave après avoir transmis le virus à un partenaire sans l'avoir averti de son état de santé.

Or, cette défense a été taillée en pièces, hier, par le juge Louis A. Legault, et Wilcox, 47 ans, a été reconnu coupable d'agression sexuelle grave au palais de justice de Montréal.

Si les risques de contracter le sida laissent indifférents certains hommes qui fréquentent les saunas, ce n'était certainement pas le cas de la victime de Wilcox. Si elle avait su, elle n'aurait jamais eu de relations sexuelles non protégées avec l'accusé, a conclu le juge Legault.

Pour défendre sa thèse, l'accusé avait fait témoigner plus tôt au procès le directeur d'un organisme communautaire montréalais venant en aide aux séropositifs à titre d'«expert en pratiques sexuelles homosexuelles».

En ne posant pas de questions sur l'état de santé de leur partenaire d'un soir, les hommes qui ont des relations sexuelles non protégées dans les saunas consentent «tacitement» à risquer de contracter le virus. Le juge a toutefois rejeté ce témoignage en soulignant qu'il relevait de la simple opinion, et non d'une expertise scientifique.

La victime a contracté le virus en juillet 2005, après avoir rencontré Wilcox au sauna Oasis, au coeur du Village gai. Le soir de leur rencontre, ils ont eu une relation protégée au sauna. La victime, qui a terminé la soirée chez l'accusé, dit avoir été ensuite sodomisée sans condom alors qu'elle n'y consentait pas.

L'accusé se savait porteur du VIH depuis 2003. Or, il n'en a pas averti son partenaire. Plusieurs mois après leur relation non protégée, en mai 2006, la victime a appris qu'elle avait contracté le virus.

Après un affrontement avec Wilcox, la victime, furieuse, a reçu un courriel incriminant. Ce courriel, déposé en preuve au procès, a été déterminant dans la décision du juge Legault.

Dans ce courriel, Wilcox s'excuse de l'avoir infecté. Il indique qu'il était incapable de révéler son état à ses partenaires sexuels par crainte de se faire traiter comme de «la merde». Il parle de «dirty little secret».

Au procès, Wilcox s'est défendu en disant qu'il avait révélé son état à la victime bien avant ce courriel et qu'ils avaient eu d'autres relations non protégées par la suite. L'accusé a traité la victime de «bugchaser», une personne qui aime les relations sexuelles à risque. Wilcox a aussi prétendu que la victime avait porté plainte à la police par vengeance après qu'il eut rompu avec elle.

Le juge y a vu un tissu de mensonges en déplorant le «derby de démolition» qu'a dû subir la victime lors du procès. Au cours de la lecture du jugement, qui a duré pas moins de deux heures, Wilcox hochait fréquemment de la tête en signe de désapprobation.

«Au sujet de la divulgation obligatoire du statut de porteur du VIH à son partenaire sexuel, le juge a clairement indiqué que le Code criminel s'appliquait à tout le monde. Il n'y a pas d'exception pour le milieu gai», a indiqué la procureure de la Couronne, Sophie Lamarre, satisfaite du verdict.