L'arrestation d'une jeune femme qui s'apprêtait à participer à une manifestation contre la brutalité policière munie d'un sac rempli de pierres était «arbitraire» et la fouille de son sac «abusive», a récemment tranché une juge de la cour municipale de Montréal, qui a en conséquence acquitté la manifestante.

Cette décision apporte de l'eau au moulin du Collectif opposé à la brutalité policière (COBP), organisateur de la manifestation annuelle du même nom, qui se plaint depuis plusieurs années d'être victimes de fouilles abusives et d'arrestations illégales.

Le 15 mars 2009, vers 13h30, Sarah Boudreau-Dupéré faisait partie d'un groupe d'une dizaine de personnes cagoulées, en vêtements foncés, qui se trouvaient dans la rue Rivard. Certains avaient des bâtons et d'autres, des sacs à dos. La manifestation devait commencer une demi-heure plus tard à la station de métro Mont-Royal.

Posté près de la station de métro, l'agent Jean-Michel Laroche-Alepin s'est approché du groupe avec des collègues pour avertir les manifestants que les bâtons étaient interdits par un règlement municipal. Le groupe a ignoré les policiers.

L'agent a décidé d'arrêter la jeune femme de 26 ans - mais non les autres membres du groupe - avant que la manifestation ne commence. Le policier a invoqué un règlement municipal concernant «le droit de toute personne de jouir de l'espace public en toute sécurité».

La jeune femme a coopéré. Il lui a lu ses droits, l'a menottée et a fouillé son sac, dans lequel il a trouvé une quinzaine de pierres de grosseurs variées. Elle n'a toutefois pas eu le droit d'appeler un avocat comme le prescrit la loi.

L'agent n'avait pas constaté d'infraction au moment de l'arrestation, a retenu la juge de la cour municipale Lison Asseraf. Il n'avait que des «soupçons». À ce moment-là, la manifestation n'avait pas encore été déclarée illégale et aucun ordre de dispersion n'avait été donné. Le règlement municipal en vertu duquel la jeune femme a été arrêtée ne s'appliquait donc pas.

La jeune femme a été détenue plusieurs heures (de 13h35 à 17h10) sans motif valable, selon la juge. Elle sera «réarrêtée» à 17h10, cette fois pour l'infraction criminelle de possession d'armes (des pierres). Comme cette arrestation était «arbitraire», la fouille de son sac devient «illégale et abusive», a tranché la juge.

L'opération menée de bonne foi

La juge n'a toutefois pas condamné l'intervention policière globale qui s'est soldée par quelque 200 arrestations, dont 36 pour des infractions criminelles. Au fil des ans, seule la manifestation organisée en 2003 s'est déroulée pacifiquement.

Malgré cette arrestation illégale, la magistrate conclut que, «dans son ensemble, la planification de l'opération était empreinte de bonne foi et dans le but d'assurer la sécurité du public en général, celle des manifestants paisibles et des policiers».

Contrairement à ce que prétendait la défense, l'objectif de l'opération policière n'était pas d'empêcher les gens de manifester ni de se servir des règlements municipaux comme d'un moyen indirect d'arrêter les gens et de les fouiller de façon arbitraire «en général», selon la juge.

D'autres manifestants arrêtés qui ont présenté des arguments similaires ont d'ailleurs vu leur requête en exclusion de la preuve rejetée, si l'on se fie à une série de jugements rendus plus tôt cet été.

«Les manifestants contre la brutalité policière sont devenus l'ennemi public no 1. La police fait preuve chaque année de beaucoup de créativité pour arrêter le plus de monde possible», estime pour sa part l'avocat de Sarah Boudreau-Dupéré, Me Pascal Lescarbeau.

Aucun porte-parole du COBP n'était disponible pour réagir à ce jugement, hier. De son côté, le Service de police de la Ville de Montréal a préféré ne pas le commenter puisque certaines personnes arrêtées lors de cette manifestation n'ont toujours pas eu leur procès.