À la suite de l'appel à la vigilance lancé par la GRC concernant une menace de radicalisation terroriste de certains employés d'aéroport, les douaniers et les pilotes souhaitent que des policiers s'infiltrent dans les milieux appropriés pour mieux les surveiller.

Au Canada, tout employé qui doit travailler dans l'enceinte d'un aéroport, en particulier dans les zones interdites au public (bagages, pistes, etc.), doit détenir une «carte d'identité pour zone réglementée», que Transports Canada délivre après enquête. «Le Ministère fait une vérification approfondie des antécédents du candidat en collaboration avec la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS)», précise Maryse Durette, porte-parole à Transports Canada.

Une fois sa carte d'identité en main, l'employé a la paix pour cinq ans. Ce n'est qu'à l'issue de cette échéance, au renouvellement de la carte, que l'on fait de nouvelles vérifications.

Cela ne suffit pas aux yeux de Jean-Pierre Fortin, premier vice-président national du Syndicat des douanes et de l'immigration. Cinq ans, c'est trop long, juge-t-il.

«Préoccupé», il plaide surtout pour le renforcement du renseignement, pour débusquer les individus potentiellement dangereux mais dont le dossier criminel est vierge, ce qui peut leur permettre de passer sous le radar du SCRS.

«On devrait à l'occasion faire des opérations à l'interne, avec recours, pourquoi pas, à des agents doubles», suggère-t-il. Il souhaite aussi un meilleur partage des renseignements entre services concernés, dont les policiers. Même son de cloche du côté de Daniel Comeau, de l'Association des pilotes d'Air Canada, à Montréal: «Des agents de la GRC infiltrés, des spécialistes du comportement seraient plus efficaces pour débusquer un religieux radical qu'une enquête administrative du SCRS faite à Ottawa.» Le syndicat a d'ailleurs intégré ces suggestions dans un rapport envoyé au gouvernement fédéral.

Des douaniers plus utiles

Michel Juneau-Katsuya, ex-chef de bureau au SCRS et aujourd'hui consultant en sécurité, estime lui aussi qu'il faudrait un «renseignement plus costaud». «On porte énormément d'attention à la filière passagers, ajoute-t-il, mais on oublie ce qui se passe dans la zone cargo et chez les travailleurs des aéroports.» Selon lui, les douaniers devraient être utilisés autrement que comme des «percepteurs de taxes, dont les multiples questions pour savoir si vous avez rapporté une bouteille de vin ne servent qu'à allonger les files d'attente».

Transports Canada réplique que «le réseau d'aviation du Canada compte parmi les plus sûrs du monde grâce aux améliorations importantes apportées au fil des dernières années» et qu'il peut en tout temps «révoquer ou suspendre l'autorisation de sûreté, par exemple s'il y a des preuves de radicalisation». Aucune statistique n'a été fournie à ce sujet.

Mercredi, La Presse a fait état d'un document dans lequel la GRC demande aux exploitants d'aéroports et aux propriétaires d'entreprises qui y font affaire d'être attentifs aux signes de radicalisation de leur personnel, sans évoquer une idéologie violente en particulier. Près de 120 000 personnes travaillent dans les aéroports canadiens.

La GRC souligne que la plupart des complots qui ont visé l'aviation dans les derniers mois impliquaient un ou des individus radicalisés après leur embauche et le processus des vérifications de sécurité.

Peu surpris de cette alerte de la GRC, Jean-Pierre Fortin rappelle qu'aéroports et ports, en particulier à Montréal, sont infiltrés par le crime organisé. Des employés sans aucun antécédent lors de leur embauche peuvent être par la suite recrutés par la mafia. Ce processus peut se reproduire dans la sphère du terrorisme, dit-il, pour des raisons financières ou idéologiques. Quant à Michel Juneau-Katsuya, il espère que les autorités ne se concentrent pas que sur le terrorisme islamiste. «On oublie les radicaux d'extrême droite, comme en Norvège, et d'extrême gauche. La situation économique mondiale va exacerber le terrorisme politique.»