La Cour du Québec marche sur des oeufs dans le dossier de l'avocat Jean-Pierre Desmarais, pour qui l'Autorité des marchés financiers (AMF) réclame une peine d'emprisonnement de cinq ans moins un jour.

La Presse a révélé samedi que Me Desmarais est marié à Michèle Toupin, juge coordonnatrice de la Cour du Québec pour la région Laval-Laurentides-Lanaudière. Mme Toupin est juge en droit criminel et pénal depuis 1993. Elle a siégé dans la couronne nord, mais également à Montréal.

Or, le dossier de l'avocat Jean-Pierre Desmarais doit être entendu en chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec, district de Montréal.

En plus d'une peine de prison, rarement réclamée pour un avocat, l'AMF demande que Me Desmarais soit condamné à 1 million de dollars d'amende. Selon l'organisme, l'avocat aurait été au coeur d'une collecte illégale de fonds de plusieurs millions de dollars auprès d'investisseurs. L'entreprise pour laquelle les fonds étaient recueillis, la Fondation Fer de lance, avait pour mission «d'améliorer la qualité de vie du genre humain par tous les moyens légaux disponibles».

Embarras

La direction de la Cour du Québec est embarrassée par cette situation. Nos appels à la juge en chef, Élizabeth Corte, ont trouvé écho auprès de son chef de cabinet, Jean Latulippe, qui a indiqué que ce dossier recevrait un traitement particulier «pour qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts ni d'apparence de conflit d'intérêts».

Pour ce faire, la juge coordonnatrice dans le district de Montréal veillera à ce que le juge de la cause ne connaisse «ni d'Ève ni d'Adam l'avocat Jean-Pierre Desmarais et Michèle Toupin». La juge coordonnatrice dans le district de Montréal est Ruth Veillet. Son adjoint en matière criminelle et pénale est Jean-Pierre Boyer.

Le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge, indique que les enquêteurs au dossier étaient au courant des liens entre Me Desmarais et la juge Toupin, mais que cette information n'a pas influé sur leurs démarches. La sévérité de la peine réclamée par l'AMF s'explique par l'importance des sommes en jeu, la préméditation et la gravité des actes reprochés et le nombre de chefs d'accusation (68). «On parle d'un avocat qui connaît bien la loi», dit M. Théberge.

Fer de lance

La Fondation Fer de lance, rappelons-le, a vu ses fonds bloqués en 2009. L'entreprise offrait aux investisseurs une «ingénierie financière» qui devait leur procurer de forts rendements sans aucun risque.

Elle soutenait que sa structure juridique, dont le responsable est Jean-Pierre Desmarais, faisait d'eux des commanditaires plutôt que des investisseurs. Pour cette raison, entre autres, la Fondation et ses dirigeants estiment qu'ils ne sont pas assujettis à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

Aujourd'hui, la cinquantaine d'investisseurs tentent d'avoir accès à leurs fonds (5,6 millions), bloqués depuis deux ans par l'AMF. Parmi eux se trouvent la femme d'affaires Denise Verreault et son conjoint, des Chantiers maritimes Verreault, de la région de Rimouski.

Une des «ingénieries financières» mises en place par la Fondation repose sur un titre appelé Collateral Mortgage Obligation (CMO). Le rendement du titre et sa garantie dépendent d'un panier d'hypothèques de la banque Wells Fargo, selon nos renseignements.