Le Canada n'a pas été épargné par une gigantesque vague de cyberattaques qui compte parmi ses victimes 72 organisations, gouvernements et entreprises de par le monde, vient de révéler une enquête menée par la société de sécurité McAfee.

Dans un rapport publié mardi, la firme avance que l'opération d'espionnage pourrait avoir été commanditée par un «acteur étatique», sans toutefois nommer le coupable. Bon nombre d'experts en cybersécurité soupçonnent ouvertement la Chine.

McAfee est une firme californienne qui vend des logiciels et des services de sécurité informatique tant aux particuliers qu'aux gouvernements et aux entreprises. Dans le cadre d'une vaste enquête sur le cyberespionnage, elle est parvenue à accéder à un serveur utilisé par les espions entre juillet 2006 et septembre 2010.

La liste des entités épiées par cet «acteur» est longue: l'Organisation des Nations unies, le Comité olympique international, 12 sociétés militaires privées qui font affaire avec les États-Unis, 2 organes d'information, des groupes de réflexion ainsi que divers ordres du gouvernement américain, dont 5 agences fédérales. Plusieurs entreprises des domaines de l'énergie ou des technologies ont également été espionnées.

Près d'une cinquantaine de victimes se trouvent aux États-Unis et quatre au Canada. On y trouverait notamment l'Agence mondiale antidopage, dont le siège social est situé à Montréal, deux «agences gouvernementales» canadiennes ainsi qu'une entreprise spécialisée dans les technologies de l'information.

Les attaques contre la première agence gouvernementale canadienne ont commencé en octobre 2009 et ont duré six mois. L'intrusion à l'intérieur du système de la deuxième agence s'est produite en janvier 2010 et n'a duré qu'un mois.

Cet hiver, le gouvernement canadien a admis que le Conseil du Trésor et le ministère fédéral des Finances avaient été la cible d'une «tentative non autorisée» d'accès à ses réseaux informatiques en janvier. Hier, ni McAfee ni le ministère de la Sécurité publique n'ont confirmé qu'il s'agissait des mêmes cibles. La porte-parole du Ministère, Jessica McDonald, et l'attachée de presse du ministre Vic Toews, Julie Carmichael, ont refusé d'accorder une entrevue à La Presse.

L'Agence mondiale antidopage n'a pas de preuves

McAfee affirme qu'elle a averti toutes les victimes de ces intrusions informatiques. Appelée à réagir à cette affaire, l'Agence mondiale antidopage, qui aurait été espionnée d'août 2009 à octobre 2010, a dit qu'elle était en contact avec McAfee et qu'elle enquête actuellement sur ce qui s'est produit. Étonnamment, l'Agence affirme qu'elle ne détient aucune preuve de ces attaques et qu'elle demande à être convaincue.

«Nous avons un système de sécurité hautement sophistiqué géré par l'entreprise ISS (IBM). Jusqu'à présent, ISS n'a trouvé aucune preuve d'une telle corruption», a déclaré le directeur de l'Agence, David Howman, dans une réponse écrite. «En février 2008, l'Agence mondiale antidopage a été victime d'une atteinte à la sécurité de son système de courriel, et une plainte formelle a été déposée à la Sûreté du Québec. Nous avons également coopéré dans une enquête du FBI. Depuis, nous avons apporté des correctifs à notre système de sécurité. Notre système d'administration fonctionne sur un tout autre serveur, il n'a jamais été compromis et demeure hautement sécurisé pour la rétention des données des athlètes.»

La Chine montrée du doigt

Depuis la publication du rapport de McAfee, de nombreux experts en cybersécurité ont réagi dans les médias nationaux et internationaux. La grande majorité d'entre eux croient que la Chine est l'auteure de ces intrusions. C'est aussi l'opinion de Michel Juneau-Katsuya, ancien membre du Service canadien du renseignement de sécurité. À son avis, les attaques pourraient avoir été commanditées par le gouvernement chinois ou par des «pirates patriotiques» - des cracks de l'informatique qui agissent avec l'aval du régime. «Le serveur en question se trouve en Chine. La seule chose qui est difficile à prouver, c'est: qui se trouve derrière l'écran d'ordinateur?»

La Chine, selon lui, a beaucoup à gagner à espionner le Canada, qui se trouve à toutes les grandes tables internationales, qu'elles soient militaires ou économiques. Le Canada sous-estime largement la menace qui pèse contre lui, dit-il: «Dans les cinq prochaines années, les États-Unis vont investir 1,1 milliard de dollars pour s'attaquer au problème, et la Grande-Bretagne, 40 milliards. Durant la même période, le Canada va seulement investir 90 millions... Le gouvernement Harper fait l'autruche et se met la tête dans le sable.»