Presque trois ans jour pour jour après la noyade de son fils Andrew dans la rivière Rouge, Richard Selby poursuit son combat. Grâce à l'enquête publique du coroner, qui a démarré hier au palais de justice de Laval, il espère que les pouvoirs publics se décideront enfin à signaler que la baignade peut y être mortelle.

«Si le maire avait mis un panneau, mon fils serait toujours là», croit Richard Selby. Étouffant avec peine ses sanglots, ce père éploré a répété hier aux journalistes ce dont il est persuadé depuis trois ans. Jamais son fils de 16 ans n'aurait posé le pied dans la rivière Rouge, dans les Hautes-Laurentides, s'il avait su que c'était dangereux: depuis 20 ans, 19 personnes s'y sont noyées.

Récemment installés à Rivière-Rouge, Andrew Selby, 16 ans, et son frère, Michaël, se sont rendus pour la première fois au bord de l'eau par un après-midi de juillet 2008. Ils avaient entendu parler de la plage, à laquelle ils ont accédé par un sentier sans voir qu'ils étaient sur un terrain privé. Ils s'amusaient au bord de l'eau quand Andrew a été emporté. Son frère a été secouru par un passant alerté par les cris.

Une rivière dangereuse

Avec ses plages de sable, la rivière Rouge semble paisible, mais cette impression est mortellement trompeuse. «Le fond change d'année en année. Il n'y a aucune certitude, avec cette rivière-là. Sans gilet de sauvetage, sans vêtements de protection, il ne faut pas y nager. Ce n'est pas une rivière facile même si on est bon nageur, le courant est très changeant», a témoigné le sergent Patrice Guay, de la SQ.

Le corps d'Andrew a été retrouvé 21 heures après sa disparition sous 9 m d'eau, a raconté Jean-Sébastien Parent, plongeur de la SQ. «La victime était à demi ensevelie par le sable, face au sol», a-t-il précisé devant le coroner. À ces mots, Richard Selby, dans la salle d'audience, s'est tordu de douleur. Rares sont les rivières qui ont, comme la rivière Rouge, un fond de sable et de vase. «Sur les rives, ça semble être du sable. Mais quand on met le pied dans l'eau, on se rend compte que c'est un mélange de sable et de vase», dit-il.

Depuis le drame, la ville de Rivière-Rouge a installé des panneaux près des sentiers, pour alerter les baigneurs du danger. «Ça ne change absolument rien», déplore l'oncle d'Andrew, Gary Selby, qui demande, en vain, à la municipalité d'installer une barrière.

Joseph Nikolas, propriétaire du terrain par lequel Andrew a accédé à la rivière, estime que ni ses pancartes «propriété privée» et «passage interdit» ni les panneaux de la Ville ne dissuadent les promeneurs de se rendre à la plage. Excédé, il croit que les gens doivent être responsables de leurs actes. «À ce que je sache, enfreindre une propriété privée est toujours un crime au Canada», dit-il.

La famille d'Andrew espère que l'enquête publique du coroner, qui durera jusqu'à demain, pourra changer les choses. Le choc de la disparition continue à hanter les proches d'Andrew. Michaël a le visage défait par la douleur; Jonathan, autre membre de la fratrie, est si traumatisé qu'il ne peut pas travailler. Quant à la mère d'Andrew, la famille est presque sans nouvelles d'elle. «Elle est devenue une autre personne», dit Gary Selby.

La famille poursuit la municipalité et M. Nikolas pour 1 million de dollars. «On ne sera pas guéris tant qu'on ne se sera pas battus», dit Gary Selby.

Sans l'avis de M. Nikolas et de la municipalité, la famille a aussi érigé une croix près de la plage où a disparu Andrew l'an dernier. «Peut-être que quelqu'un la verra et ne se baignera pas, dit Richard Selby. Nous, on n'oubliera jamais Andrew.»

Photo fournie par la famille

Andrew Selby