Après leur avoir imposé une loi spéciale cet hiver, le gouvernement Charest s'est finalement entendu avec les juristes de l'État.

«L'entente de principe nous satisfait, nous la recommanderons», lance Marc Lajoie, président de l'Associations des juristes de l'État. Il attend de la présenter lundi à ses quelque 900 membres avant d'en dévoiler le contenu. Le vote aura lieu mercredi et jeudi prochain.

L'entente répond aux «besoins spécifiques» des juristes tout en «respectant la capacité de payer des contribuables», s'est réjoui la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne. Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, salue quant à lui le «pragmatisme» et «l'ouverture» des négociations.

L'année dernière, les juristes de l'État et les procureurs de la Couronne négociaient en front commun pour leurs conditions salariales. Ils ont déclenché la grève en février. Le gouvernement a adopté une loi spéciale pour forcer leur retour au travail. On avait aussi adopté une loi spéciale en 2005 pour décréter leurs conditions de travail.

Les juristes de l'État ont déposé en avril une requête en Cour supérieure pour invalider la loi spéciale. Ils ont finalement repris les négociations peu après. «On a commencé avec les deux mains attachées derrière le dos. Ce n'était pas très digne comme position. Mais le lien de confiance s'est finalement rétabli et nous sommes satisfaits de l'entente», raconte Me Lajoie.

Procureurs encore sans entente

Les quelque 450 procureurs de la Couronne espèrent que l'entente de principe des juristes contient des avancées sur les clauses salariales dont ils bénéficieraient dans des négociations futures. Car pour l'instant, il n'y a pas de négociation. «On est encore au point mort», se plaint Me Christian Leblanc, président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales du Québec (APPCP).

Son association conteste encore la loi spéciale devant les tribunaux. On devrait connaître aussi d'ici la fin de l'année le jugement sur leur autre contestation sur la loi spéciale de 2005.

Les procureurs ont rencontré le Conseil du Trésor en avril. «L'offre était encore moins intéressante que ce qui était sur la table avant la loi spéciale. On nous a dit: vous avez choisi de faire la grève, alors ne vous attendez pas à recevoir la même offre. On nous punit pour avoir exercé un droit dont on ne voulait pas», déplore Me Leblanc. Le gouvernement Landry leur avait imposé le droit de grève. Eux réclamaient plutôt le droit à l'arbitrage.

«Il n'est pas question de punir qui que ce soit. On souhaite une entente avec les procureurs», réplique Isabelle Mercille, attachée de presse de la ministre Courchesne. Elle rappelle que le gouvernement s'est entendu hier avec ses ingénieurs, et aussi récemment avec les médecins spécialistes. Une entente de principe doit aussi être votée bientôt par les médecins omnipraticiens. «En plus de cela, on a signé près de 40 ententes à la suite des négociations historiques avec le front commun (de fonctionnaires en mai 2010)», ajoute Mme Mercille.

Les procureurs ne décolèrent pas. Ils accusent le gouvernement Charest de «sacrifier la justice». Leur rémunération serait d'environ 40% inférieure à celle des procureurs des autres provinces, selon une étude de l'Institut de la statistique du Québec. Dans sa loi spéciale, le gouvernement leur a offert une augmentation de 6% sur cinq ans, soit ce qui avait été consenti l'année dernière à ses fonctionnaires.

En mars, le ministre Fournier augmentait de 120 à 160 le nombre de nouveaux postes à la Couronne. «On ne règle pas du tout le problème de salaire ou des conditions de travail», réagit Me Leblanc. Cette mesure aurait peu d'effets, argue-t-il, car tant qu'on n'améliorera pas le salaire ou les conditions de travail, la Couronne peinera à attirer ou retenir des talents.

Il rappelle que les procureurs boudent encore la vingtaine de postes offerts à l'Unité permanente anticorruption. Il s'agissait de la grande réponse du gouvernement Charest aux allégations de corruption et collusion dans l'industrie de la construction et le financement des partis politiques.

Même le Plan Nord souffrirait à cause du dossier des procureurs, affirme Me Leblanc. «Le gouvernement veut améliorer les conditions de vie dans le Nord, mais la justice ne s'y porte pas bien. Regardez le bureau d'Amos, celui qui dessert la majorité du Nord. Il devrait compter 10 procureurs. Mais il n'en avait que huit, et il n'en reste que quatre. Une personne est partie dans l'Ouest, où les conditions de travail sont meilleures, et les autres ont comblé les postes ouverts dans le Sud. Notre procureur le plus expérimenté a moins de cinq années de travail. Dans les négociations, le gouvernement offrait des mesures pour améliorer les conditions de travail dans les régions éloignées. Mais ils les ont enlevées dans la loi spéciale. On voit ce que ça donne.»