Vulgaire, parfois menaçant, Philippe Truchon a leurré un nombre effarant d'adolescentes sur l'internet. L'homme de 31 ans a fait quelque 285 jeunes victimes un peu partout au Québec en 5 mois à peine.

Au cours des plaidoiries sur la peine à lui infliger, hier, la poursuite n'a pas hésité à le qualifier de véritable «bombe à retardement».

L'accusé a notamment obtenu d'une adolescente de 13 ans qu'elle lui fournisse une photo de sa petite soeur de 7 ans nue.

Avec une autre adolescente, il a réalisé un scénario incestueux dans lequel il jouait le rôle d'un père qui violait et battait sa fille. À une autre encore, il a promis un emploi dans un bar, même si elle était mineure, à condition qu'elle se dénude devant sa webcam.

Il a menacé certaines de ses victimes de les tuer si elles refusaient de répondre à ses désirs.

Truchon entrait en contact avec ses proies par Facebook et MSN. Il écrivait dans leur page des commentaires flatteurs du genre: «Ça ne se peut pas que tu aies juste 13. Tu as le body d'une fille de 20.»

Il demandait ensuite aux filles de lui envoyer des photos d'elles nues ou encore de danser pour lui devant leur webcam. Il ne demandait pas à les rencontrer. Dès qu'il obtenait les photos et les vidéos, il partait à la recherche d'une autre victime sur la Toile.

«Ce qui le fait jouir, c'est d'amener une fille respectable à faire des choses dégradantes prouvant sa soumission», selon une sexologue chargée de déterminer s'il est déviant.

L'accusé s'est soumis à trois évaluations sexologiques et psychologiques. La poursuite, représentée par Me Roxane Laporte, voulait le faire déclarer délinquant à contrôler afin qu'il fasse l'objet d'une surveillance stricte à sa sortie de prison.

Or, une psychologue de l'Institut Philippe-Pinel a estimé que ce n'était pas nécessaire, bien que son risque de récidive soit élevé. Elle a recommandé qu'il suive un traitement pour sa déviance sexuelle. Il souffrirait de «troubles de sadisme non manifeste».

C'est le tuteur de l'une des victimes, âgée de 13 ans, qui a alerté la police après avoir découvert une séance de clavardage. L'accusé clavardait sous sa vraie identité. Il avait même fourni son numéro de cellulaire à la jeune fille.

Également proxénète

Les policiers ont eu tôt fait de débarquer chez lui, à Sorel, et de saisir son ordinateur. Or, il n'est pas demeuré détenu longtemps. Il a obtenu sa liberté provisoire. Il en a alors profité pour se lancer dans le proxénétisme à Montréal.

Deux jeunes femmes sont tombées dans ses griffes. Il leur fournissait de la drogue pour les détendre puisqu'elles venaient tout juste de commencer à se prostituer.

Après deux jours à travailler pour lui, l'une des jeunes femmes, âgée de

19 ans, a appelé sa mère à l'aide. Les policiers ont rapidement trouvé les deux victimes et le proxénète grâce à cet appel fait avec un cellulaire. Truchon a été condamné à 18 mois de prison pour cette affaire.

Pour ses crimes de leurre informatique, la Couronne a recommandé une peine de cinq ans d'emprisonnement. Aux yeux de la défense, c'est nettement exagéré.

«Les jeunes, de nos jours, sont beaucoup moins naïfs et beaucoup plus informés qu'on peut l'imaginer», a plaidé l'avocat de la défense, André Boissonneault. Il est aussi possible que certaines filles aient trouvé cela amusant, a-t-il expliqué à la juge Isabelle Rheault, visiblement perplexe.

Son client a tenté d'avoir «une emprise morbide sur les jeunes filles», a plaidé le criminaliste, mais jamais il n'a voulu avoir des relations sexuelles avec elles. «Autant de victimes en si peu de temps, on ne voit pas cela tous les jours», a tout de même admis l'avocat.

Au moment du crime, son client avait un seul antécédent judiciaire en matière de possession de stupéfiants. Il est prêt à suivre une thérapie, a ajouté Me Boissonneault.

La juge Rheault prononcera la peine le 14 juillet.