Le fisc a le bras long et n'hésite pas à gratter les tombes pour récupérer son dû: hier, Me Leonardo Rizzuto était convoqué à la Cour canadienne de l'impôt en tant que liquidateur de la succession de son frère Nicolo, assassiné il y a un an et demi.

Dans des documents déposés à la Cour, l'Agence de revenu du Canada (ARC) affirme que Nicolo Rizzuto avait omis de déclarer des revenus de plus de 200 000$ entre 1995 et 2002. L'ARC réclamait le paiement des impôts sur cette somme (environ 40 000$), ainsi que des pénalités de 25 298$.

Mais à la dernière minute, l'ARC et Leonardo Rizzuto ont conclu une entente à l'amiable. Me Christina Ham, qui représentait l'ARC dans ce dossier, a dit à La Presse que l'entente est confidentielle. Impossible de savoir à combien s'élèvent la nouvelle cotisation et les pénalités.

Nicolo Rizzuto, né en 1967, et son frère Leonardo, né en 1969, sont les fils de Vito Rizzuto, le parrain déchu de la mafia canadienne, en prison au Colorado pour sa participation au meurtre de trois capitaines rebelles de la famille Bonanno à New York.

Revenus modestes

Selon des documents déposés à la Cour, Nicolo Rizzuto avait déclaré un revenu annuel moyen de 53 738$ entre 1995 et 2002. Pendant la même période, sa femme, Eleonora Ragusa, n'a payé aucun impôt fédéral, ce qui laisse croire qu'elle avait très peu de revenus.

Cette situation financière n'a pas empêché le couple d'acheter un terrain dans un secteur huppé de Laval, en 1997, et d'y faire construire une grande maison qui a maintenant une valeur de 891 000$ au rôle municipal d'évaluation foncière. La transaction immobilière a été faite avec le groupe Petra, alors représenté par son président, Giuseppe Borsellino.

Trois ans avant sa mort, Nicolo Rizzuto avait nommé sa femme unique héritière et son frère, Leonardo, liquidateur de succession. De 1995 à 2002 inclusivement, Nicolo a déclaré des revenus de 429 909$. Mais, après enquête, l'Agence de revenu du Canada a découvert qu'il avait omis de déclarer des revenus supplémentaires de 204 090$.

Détails biographiques

Le dossier déposé à la Cour canadienne de l'impôt révèle plusieurs renseignements personnels et lève le voile sur une petite partie de la vie du fils aîné du parrain de la mafia. Un des documents montre ainsi que Nicolo Rizzuto et Eleonora Ragusa ont reçu un cadeau de 120 835$ en argent et des meubles valant 10 000$ lors de leur mariage. Deux ans plus tard, leurs grands-parents respectifs, Nick Rizzuto Senior et Angela Cammalleri, leur ont donné 60 000$.

Le vieux Nick Rizzuto, assassiné en novembre dernier, déclarait lui-même très peu de revenus. En 2006, le fisc a saisi sa luxueuse maison du quartier Saraguay, des placements de 1,8 million de dollars ainsi que sa Jaguar et sa Mercedes. Quelques mois avant sa mort, il avait plaidé coupable à une accusation d'évasion fiscale de 209 000$.

Les documents déposés dans le dossier de son petit-fils font état de ses activités d'affaires. On apprend ainsi qu'il avait emprunté 50 000$ à la société 3270076 Canada inc., propriétaire d'épiceries Intermarché et présidée par Cosimo Chimienti.

Nicolo Rizzuto était actionnaire de la société d'investissement 9087-1229 Québec inc. avec le fils et la fille de son oncle Paolo Renda, kidnappé l'année dernière et probablement assassiné. Son frère Leonardo préside cette société. Nicolo avait aussi consenti des avances à la société Investissements Centennial M.T.&R. inc., spécialisée dans l'investissement immobilier et présidée par le trafiquant de drogue Miguel Torres.

Nicolo, enfin, prêtait beaucoup d'argent à ses parents, Vito et Giovanna. En 2002, ceux-ci lui devaient 77 273$. Lors de sa condamnation à New York, Vito avait indiqué qu'il devait des centaines de milliers de dollars à ses fils, à sa fille, Bettina, et à sa mère, Libertina.

Toujours dans les documents déposés à la Cour, l'ARC affirme que Nicolo Rizzuto a fait à la banque des retraits inexpliqués de plusieurs dizaines de milliers de dollars.

Il a été atteint mortellement de plusieurs balles le 28 décembre 2009 sur le chemin Upper Lachine, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, tout près de la société Construction FTM, propriété de son ancien partenaire d'affaires Tony Magi. Le tueur n'a toujours pas été identifié.

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Précision: Cet article publié dans La Presse et sur Cyberpresse laisse entendre que M. Miguel Torres a été reconnu coupable de trafic de drogue. Or, M. Torres a été accusé de trafic de drogue en juin 2008, mais les accusations ont été retirées au mois de février 2009.