Condamné à passer six mois en prison après avoir été reconnu coupable de fraude, l'ex-sénateur québécois Raymond Lavigne va porter en appel sa peine, mais aussi le verdict de culpabilité.

Le juge Robert Smith de la Cour supérieure de l'Ontario a prononcé la peine jeudi à Ottawa.

Il a aussi imposé à M. Lavigne six autres mois de détention pour l'abus de confiance dont il a été trouvé coupable, mais cette peine pourra être purgée dans la communauté et non pas derrière les barreaux.

L'ex-sénateur devra de plus verser le montant de la fraude, soit quelque 10 000$, à un organisme caritatif de son choix.

Stoïque pendant la lecture de l'historique de ses démêlés avec la justice, il a perdu son calme quand la peine a été prononcée.

«Il y en n'a pas de justice, il y en n'a pas de justice (sic)», a lancé M. Lavigne aux journalistes en quittant le tribunal, manifestement déstabilisé.

Pourtant, le matin même, il avait fait son entrée au Palais de justice de façon dramatique, montrant un sac aux photographes, se disant prêt à aller en prison.

Sa femme a éclaté en sanglots à l'extérieur de la salle du tribunal où le juge Smith a fait connaître la peine, et a continué à pleurer pendant de longues minutes.

L'avocat de M. Lavigne, Dominic St-Laurent, a indiqué qu'un appel serait déposé dans les plus brefs délais, probablement dès jeudi après-midi.

Il estime qu'il y a des failles importantes dans le jugement. Un témoin aurait complètement été ignoré par le juge, alors qu'il était «hautement favorable à son client», a-t-il souligné.

«J'ai fait ce travail depuis 20 ans pour les intérêts de la justice. Évidemment, quand on décide d'aller en appel c'est parce qu'on considère sérieusement que la justice n'a peut-être pas été rendue», a lancé Me St-Laurent d'un air sombre.

L'homme de 65 ans devait être conduit dans un centre de détention, mais son avocat a indiqué qu'il allait aussi immédiatement déposer une requête pour qu'il reste en liberté en attentant le dénouement des procédures d'appel.

Il ne pouvait cependant confirmer, jeudi matin, si cette démarche allait éviter à son client de se rendre en prison le jour même.

Invité par le juge à s'adresser au tribunal jeudi, avant le prononcé de sa peine, M. Lavigne avait été fort bref.

«Je ne suis pas coupable de tous les gestes que l'on a retenus contre moi», a-t-il déclaré, dressé devant le juge Smith, les bras croisés.

«Je ne pense pas que j'ai eu un procès juste et équitable».

En rendant sa décision, le juge Smith a relevé que l'ex-sénateur n'avait exprimé aucun remords. Il a cependant pris en considération son dossier criminel vierge, et son bénévolat dans la communauté.

En faisant ses représentations sur la peine en mai, son avocat avait brossé un tableau de l'enfance difficile de M. Lavigne, dans un quartier pauvre de Montréal, un milieu défavorisé qu'il avait quitté à la sueur de son front, avec un minimum d'éducation.

L'argument n'a manifestement pas ému le juge.

«Ses origines modestes n'excusent pas la fraude perpétrée contre le Canada», a déclaré le juge.

«Il est inacceptable pour une personne avec une fonction publique importante de se comporter de la sorte» a-t-il ajouté.

La Couronne avait réclamé de 12 à 15 mois de prison alors que l'avocat de M. Lavigne demandait plutôt une probation assortie de travaux communautaires, sans imposition de peine.

Dans le pire des scénarios pour son client, si le juge insistait pour une peine de prison, Me St-Laurent avait demandé que celle-ci soit purgée dans la communauté.

Me St-Laurent s'opposait à ce que son client mette «un seul orteil en prison».

Mais le juge a estimé que la détention était nécessaire pour dénoncer son comportement et pour dissuader toute autre personne à en faire autant.

M. Lavigne avait été trouvé coupable en mars dernier de fraude par le juge Smith pour avoir réclamé au Sénat des frais de déplacement supérieurs à ceux réellement déboursés et pour s'être fait rembourser des voyages qu'il n'a jamais effectués. Le tout constituait une fraude d'au moins 10 000$.

La condamnation pour abus de confiance résultait d'avoir fait effectuer des travaux sur sa propriété de Wakefield par un employé du Sénat - sur ses heures de travail et payé par les contribuables -qui y aurait même coupé une soixantaine d'arbres.

L'ex-sénateur avait plaidé non coupable à toutes les accusations qui avaient été portées contre lui.

Il avait démissionné du Sénat 10 jours après sa condamnation et a remboursé à la Chambre haute 23 000$.

Nommé sénateur en 2002 par le premier ministre libéral Jean Chrétien, il avait auparavant été député libéral dans le sud-ouest de la métropole.