Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour. Nous préférons vous en avertir.***

«Une de mes obsessions était que je n'avais pas d'argent. Je n'avais plus de revenus», a admis M. Turcotte, hier, alors qu'il était contre-interrogé par la Couronne, à son procès, à Saint-Jérôme. L'homme de 39 ans, cardiologue de profession, est accusé du meurtre de ses deux enfants, Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans. Le drame s'est produit le 20 février 2009 dans un contexte de séparation d'avec leur mère, Isabelle Gaston. La Couronne croit que M. Turcotte a agi avec préméditation, tandis que la défense suggère qu'il n'était pas dans son état normal au moment des faits. L'état d'esprit de M. Turcotte, qui a bu du lave-glace pour se suicider lors des événements, est l'enjeu de ce procès puisqu'il reconnaît avoir tué ses enfants.

Les pieds sur terre

Dans le but de démontrer que M. Turcotte avait les pieds bien sur terre peu de temps après le drame, Me Claudia Carbonneau lui a énuméré les choses qu'il a faites à partir du début de mars 2009, alors qu'il était hospitalisé à l'Institut Philippe-Pinel. Il a fait rayer le nom d'Isabelle Gaston comme bénéficiaire de son assurance vie pour y inscrire ses parents. Il a fait stopper les prélèvements automatiques dans son compte en banque. Le 1er mars, il a appelé à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, où il travaillait, pour demander le remboursement des frais de deux congrès auxquels il avait assisté. Il a indiqué dans quel tiroir de son bureau on pourrait trouver ses factures. «Il y a mes souliers qui traînent», a-t-il dit aussi.

M. Turcotte a aussi demandé à ses parents de récupérer le forfait spa qu'il avait offert à Isabelle Gaston pour Noël ainsi que quatre billets pour un spectacle de Marie-Mai à Laval.

«Je réalisais que c'était une erreur d'avoir acheté ça (le forfait spa). Isabelle me trompait déjà. Elle n'était pas là, à Noël (elle était à Cuba avec les enfants). Avec tout ce que ma famille avait à endurer...», a-t-il dit, en signalant que c'est sa famille qui l'aidait à régler ses affaires et qu'il voulait en quelque sorte les dédommager.

Au sujet de l'assurance vie, M. Turcotte a expliqué qu'il l'avait souscrite pour assurer la sécurité financière de ses enfants s'il lui arrivait quelque chose. Comme ses enfants n'étaient plus là, il a voulu que le bénéfice revienne à sa famille.

Mourir, mourir, mourir

M. Turcotte affirme qu'il pensait constamment à mourir après le drame. Il avait tué ses enfants de ses mains, ce qu'il était incapable de supporter. Il était terrorisé par ce qu'il avait fait et les images qu'il en gardait. Il voulait se suicider, mais il était trop surveillé.

«À Pinel, c'est impossible», a-t-il dit. Pendant les quatre premiers mois, il a dormi dans une cellule d'isolement où il n'y avait rien pour se tuer. Il n'avait droit qu'à un slip, à un t-shirt et à des chaussettes pour dormir. On ne lui laissait qu'une épaisse couverture, mais «pas de drap pour se pendre».

Habitué à rouler à 100 à l'heure dans sa vie, M. Turcotte s'est retrouvé complètement oisif à Pinel, où il n'avait rien à faire. Au début, pour chasser les images terrifiantes qui l'assaillaient et faciliter la tâche à ses parents, qui s'occupaient de ses affaires, il a dressé une liste des objets à récupérer dans la maison de Piedmont. Me Carbonneau a fait ressortir qu'il avait pensé à des détails aussi infimes qu'à un sac de patates dans l'armoire, aux trois pompes à savon qu'il avait achetées après sa séparation, au disque de relaxation qui se trouvait encore dans le réveil qui ne lui appartenait pas (la maison de Piedmont était louée meublée). Il espérait aussi obtenir un remboursement pour une batterie de cuisine qu'il avait achetée au Costco.

M. Turcotte avait des soucis d'argent, d'autant plus qu'il avait quatre avocats à payer en mars 2009, a-t-il expliqué. Le premier (Me Pierre Poupart) pour sa cause criminelle, le second pour son divorce d'avec Isabelle Gaston, le troisième parce que le propriétaire de la maison de Piedmont ne voulait pas laisser entrer ses parents pour qu'ils aillent chercher ses effets et le quatrième pour régler ses affaires professionnelles, notamment sa démission du Collège des médecins.

M. Turcotte a essayé de mettre fin à ses jours quelques mois plus tard, à la prison de Rivière-des-Prairies. «Je me suis familiarisé avec la place et la seule façon que j'ai trouvée, j'ai accumulé mes médicaments (Rivotril et Remevron) pour les prendre tous ensemble le 13 novembre 2009.» Il ne se souvient pas des 48 heures suivantes.

M. Turcotte a fini son témoignage hier. Aujourd'hui, un pharmacologue pourrait commencer à témoigner.