La pluie s'abattait sur les casques des cyclistes venus se recueillir samedi autour de la petite croix plantée aux abords de la route 112. Il y a un an déjà, trois des leurs perdaient la vie, fauchés par une camionnette. Bravant les intempéries, les survivants de cette tragédie et les cyclistes membres de leur club, se sont rendus sur les lieux du drame pour souligner ce triste anniversaire.

«Je ne pensais pas que ce serait aussi fort, a confié Jean Dessureault, l'un des survivants de l'accident. Je pensais que j'aurais été capable d'affronter ça plus facilement. Quand je suis arrivé sur la 112, j'ai senti toutes les émotions que j'ai eues quand j'ai été frappé. Tout est resté dans ma mémoire. Je revois la scène. Je vois une scène apocalyptique. Le désordre. Les vélos qui sont en morceaux. Les trois corps au sol. Je peux même dessiner où ils sont. Je me vois dans le fossé en train de ramper. C'est horrible.»

Jean Dessureault, Karine Desormeaux et France Carignan sont les trois survivants de la tragédie qui a coûté la vie à Christine Deschamps, la conjointe de Mme Carignan, Lyn Duhamel et Sandra De La Garza. Membres du Club de triathlon de Saint-Lambert, les six cyclistes roulaient en peloton sur la route 112 vers Sherbrooke, où ils devaient participer à un week-end d'entraînement, lorsque le terrible accident s'est produit. Aucune accusation n'a été portée contre le conducteur qui a fauché le peloton.

Samedi, une trentaine de cyclistes, membres du Club de triathlon de Saint-Lambert, ont enfourché leur vélo à Mont-Saint-Hilaire pour se rendre sur les lieux du drame à Rougemont où ils ont observé une minute de silence. Un moment lourd en émotions que même le bruit des voitures roulant tout près à vive allure ne semblait perturber. «Ça me fait du bien d'être ici, a partagé Marc Flageole, le conjoint de Lyn Duhamel. Surtout avec la météo qu'on a, j'ai l'impression de faire quelque chose pour Lyn. Quelque chose d'assez difficile. Ce n'est pas facile ni physiquement, ni mentalement.»

Malgré l'accident, Karine Desormeaux n'a pas songé un instant à remiser son vélo. «Pour moi, c'est un combat à tous les jours, a-t-elle souligné. C'est sûr que ça s'atténue. Mais ça reste stressant. Je sens les voitures derrière moi. C'est épeurant. Mais, je ne peux pas m'empêcher de faire du vélo parce que j'ai vécu ça. Je n'ai jamais arrêté et je n'arrêterai pas.»

Tous s'entendent pour dire que la tragédie du 14 mai 2010 a contribué à sensibiliser les automobilistes, mais que beaucoup de chemin reste à faire. «Ça a fait en sorte que les gens ont commencé à changer d'attitude sur la route, a remarqué Pierre Svartman, entraîneur au Club de triathlon de Saint-Lambert,. Aujourd'hui quand on roulait, les gens se tassaient même parfois d'une voie.»

Mais, l'accident a eu l'effet inverse chez certains automobilistes, a déploré Jean Dessureault.« Il y a un pourcentage d'automobilistes qui sont des irréductibles et dans leur cas, c'est pire. Le fait que ça a été très médiatisé, on dirait que ça les écoeure. Ils sont plus dangereux encore. La semaine passée, un automobiliste a longé le peloton en klaxonnant et a crié: Sortez d'ici!».

Karine Desormeaux reconnaît qu'il y a aussi des cyclistes délinquants et que des efforts doivent être faits des deux côtés. «C'est une route, ça appartient aux deux, a-t-elle fait valoir. Est-ce qu'on peut juste être respectueux les uns des autres? Je trouve qu'on est bien arriérés là-dessus au Québec.»

Le décès de Christine Deschamps, Lyn Duhamel et Sandra De La Garza sera également commémoré mercredi prochain lors de la deuxième édition du Tour du silence organisé par la Fédération québécoise des sports cyclistes. Un mémorial à leur mémoire sera inauguré à cette occasion au Centre multifonctionnel de Boucherville.