L'enquête publique sur la mort de Mohamed Anas Bennis, abattu par un policier de Montréal en 2005, s'est terminée de façon abrupte, jeudi: à l'instar de la famille Bennis, la coalition Justice pour Anas a refusé d'y participer et a rejeté d'emblée ses conclusions.

Pourtant, l'enquête de la coroner Catherine Rudel-Tessier, qui n'aura duré que deux jours au palais de justice de Laval, visait entre autres à répondre aux questions des proches du défunt. La coroner en chef, Louise Nolet, en avait ordonné la tenue en 2008 à la demande de la famille.

Un membre de la coalition Justice pour Anas, François Van Vliet, s'est présenté devant la coroner Rudel-Tessier à période des représentations finales, comme il avait été invité à le faire. «Quoique vous en pensiez, nous trouvons que cette enquête n'a aucune crédibilité, ni aucune légitimité», a-t-il dit, refusant de partager son analyse de l'intervention.

M. Van Vliet a déploré le fait que la coroner n'ait pas remis en question les conclusions de l'enquête ministérielle menée par la police de Québec. Il lui a également reproché de ne pas avoir accordé à son groupe le statut de partie intéressée, ce qui lui aurait permis de poser des questions aux témoins. La coalition Justice pour Anas a été mise sur pied en 2007 par la soeur jumelle de Bennis.

Une action «appropriée»

Jeudi matin, Simon Lavoie, policier instructeur de l'École nationale de police, a analysé l'intervention fatale du 1er décembre 2005.

Vers 7h15, Mohamed Anas Bennis, 25 ans, sortait d'une mosquée de Côte-des-Neiges quand il aurait attaqué l'agent Yannick Bernier sans raison apparente. Selon l'agent Bernier, qui a témoigné mercredi, Bennis a sorti son couteau et l'a blessé sérieusement à la gorge et à la jambe droite. Yannick Bernier, qui était accompagné de l'agent Jonathan Roy, a fait feu à deux reprises sur Bennis.

La force utilisée par l'agent Bernier était «appropriée» et conforme aux enseignements de l'École nationale de police, selon M. Lavoie, qui a produit un rapport sur l'intervention en 2009 à la demande du Commissaire à la déontologie policière.

Selon lui, les agents Bernier et Roy n'avaient pas de solutions de rechange: utiliser leur bâton télescopique ou une technique à main nue aurait mis leur sécurité en danger, tandis que le gaz poivre n'aurait pas agi assez rapidement. Selon la version des policiers et d'un témoin, Bennis a refusé d'obtempérer aux ordres des policiers.

À la fin de l'audience, les avocats des trois parties intéressées (la Ville et les deux agents impliqués) n'avaient pas de recommandations à suggérer à la coroner. Cette dernière pourrait en formuler dans son rapport pour assurer une meilleure protection de la vie humaine.

L'avocat de l'agent Bernier, Me Pierre Dupras, s'est questionné sur l'état d'esprit de Bennis le jour du drame. Ce dernier aurait crié «Dieu est grand» en arabe avant l'altercation fatale, selon un policier d'origine algérienne qui a témoigné mercredi. «Est-ce que c'était une personne mue par un délire religieux ou une motivation idéologique? On ne le saura pas», a-t-il dit. Dans son enquête, la police de Québec n'a pu retracer l'imam de la mosquée où Bennis allait prier.

À leur sortie de la salle d'audience, trois membres de la coalition ont noté certaines discordances dans les versions des policiers et des témoins entendus mercredi. Ils ont également souligné que le couteau n'avait pas été soumis à une analyse et que l'agent Bernier avait fourni sa déclaration deux mois après le drame.

«Cette enquête sera une simple réédition de l'enquête policière», a conclu le père de la victime, Mohamed Bennis, qui a passé les deux jours dans les couloirs du palais de justice. M. Bennis a boycotté l'enquête parce que le Bureau du coroner n'a pas payé ses frais d'avocats.

La coroner Catherine Rudel-Tessier devrait publier son rapport dans les prochains mois.